ROUTES, RENCONTRES, RENOUVEAU
Dans le quatrième lot de Bribes j’ai décrit la démarche : appel à l’espérance – échanges par proGetS – rendez-vous à déterminer. Mais, de même que la marche se prouve en marchant, la démarche élargit la vision : indéniablement proGetS, par les échanges qu’il permettait, a aussi fait évoluer les regards sur ce qui se vivait partout. Si vous en trouvez une collection qui traine, jetez un œil aux rubriques Courrier d’ici et d’ailleurs et Nouveaux regards, on y lit vraiment des Mouvements en mouvement !
A partir de récits d’activités racontés par des carrefours de JEM, avec l’équipe Guide, nous avons imaginé une activité qui pourrait être une sorte de « maquette expérimentale de rendez-vous », apportant à la fois un temps d’animation pour les communautés JEM et donnant des informations pour profiler le Rendez-Vous de l’été suivant. C’est ainsi que proGetS a lancé :
Le temps de la communauté à Mélan
Du 10 au 24 août 1972 s’est vécu là un moment très intense pour les participants et une sorte de laboratoire qui inspirera certains aspects du fonctionnement de la Trivalle. L’équipe nationale élargie invitait les JEM qui le souhaitaient, à venir vivre avec elle ce moment, de quelques jours à tout le séjour dans le Village des Feux Nouveaux reconstruit par les Guides depuis 1961. Ni stage, ni colo, nous projetions un temps d’été simple et communautaire dont les lignes directrices mêlaient en un subtil cocktail le scoutisme fondamental, le fonctionnement d’une communauté de jeunes adultes et l’indémodable passage de l’Ecclésiaste 3 : Il y a un temps pour toute chose sous les cieux…
Comment vivre une vie de village qui soit à la fois cadrée et ouverte, productive et innovante, autogérée et aboutie ? Ces questions n’étaient pas minces à l’époque… Avec Catherine Garnier, nous avions décliné, pour une journée, les temps du chapitre, de la création, de la pétanque, du café, de la vie collective, de l’esprit et enfin du feu et de la fête. Rose-Marie Bouge qui était de l’équipe a continué de longues années ce principe d’une équipe disponible qui accueille et aide à mieux vivre.
A l’issue nous espérions aussi une progression personnelle de chaque participant.e marquée par une œuvre, une technique, un service, un projet, une prière, un au-revoir, formulation concrète d’un « programme » de branche aînée.
Nous pensions possible et utile d’éviter la « verticalité » au profit de « l’horizontalité » coopérative, ce qui est à la fois intrinsèque au scoutisme, mais finalement assez peu pratiqué dans nos habitudes structurelles, un « système » où l’épanouissement de chacun soit l’objectif de tous, sans qu’il soit besoin de le proclamer. Bien sûr, il y avait là de l’utopie… l’époque s’y prêtait !
Cette évocation d’un temps, bref mais très intense, me suggère trois remarques. D’abord qu’une communauté de jeunes adultes qui se prend en main produit des merveilles : avec leurs différences, les participants ont construit un temps de vie riche et heureux ; ensuite, nous avons vu que ce profil de « village » pris au sens de petite communauté humaine de proches, est un module efficace de regroupement, de réflexion et d’action ; enfin, que la proposition JEM portait des possibilités encore assez mal développées, en partie à cause des « complications » générées par l’animation commune des deux Mouvements.
Je pense parfois que les intuitions, recherches, investissements, expérimentations autour des JEM ont été sous exploités. D’avoir développé, à partir des Pionniers, une propositions Compagnons, sans co-animation scouts-guides, alors qu’il était acquis que la branche aînée était commune depuis 1967, a été vu comme un coup de canif dans le contrat et a gêné le développement de cette proposition, et d’autant plus après les conflits entre l’équipe nationale et le commissariat général à la fin des années 60. Et pourtant la fécondité de cette proposition était manifeste dans les numéros spéciaux de la revue réalisés « en province » par Alexis Baquet qui rencontrait les communautés d’un territoire. On y lit combien, dans ces années 70, les activités, engagements, formes de vie commune, étaient riches et parfois prophétiques, J’ai ma part de responsabilité dans cet effacement progressif des JEM et il m’en reste une réelle amertume.
Avant La Trivalle
Une équipe spécialisée s’est mise en place dès la rentrée 1972 pour traduire concrètement les « grands mots » : « urbanisme de désert », « architecture du provisoire », « respect intransigeant de la nature » et pour satisfaire les grands besoins d’espaces, d’eau, de sécurité, de communications internes et externes, etc. Je voudrais juste dire quelques noms de l’équipe, vraies clés de voute de la réussite. Claude Baehrel pas pour rien ingénieur de l’école des mines, Gérard Morfin inventif architecte du provisoire, Alexis Bacquet journaliste tout terrain et toutes les équipes nationales des deux mouvements riches de compétences multiples pour acheminer, accueillir, nourrir, soigner, informer, sécuriser … sans oublier une salle de presse avec des journalistes en escarpins…
Grâce à l’hebdomadaire, aux « tournées » des membres de l’équipe nationale, aux rencontres des CoDep, les cadres ont été régulièrement sollicités et informés, certains trouvaient même que c’était trop ! il y eut des rendez-vous téléphoniques, des consultations par « cartes postales » pour déterminer les dates, etc. Ce qui importait c’était les retours que cela provoquait, permettant de gérer la préparation au mieux et de faire participer le plus possible les lecteurs aux décisions. Les réponses reçues, y compris critiques, ont contribué à donner une bonne part des couleurs de ce rassemblement et contribué à sa réussite.
Pour écouter, préciser, rassurer, modifier, clarifier, les cadres départementaux des Scouts et des Guides ont été réunis à la Pentecôte, sur les lieux du rassemblement. De leurs relations avec les participants dépendraient les réussites, les réticences, les refus. Les relations entre les cadres « murs » pour prendre un mot simple et les cadres plus jeunes étaient encore un problème dans de nombreux secteurs, ce qui pesait sur le cohésion des groupes locaux sur lesquels portaient beaucoup de responsabilités.
Les défis de ce Rendez-vous lancé à la volée étaient de susciter un temps de vie scoute entre cadres, responsables, JEM, pour « recomprendre » le scoutisme en scoutant soi-même entre jeunes adultes sans singer les enfants ou les ados. Pour cela l’action de prendre le temps de venir, pour arriver et non débarquer, était importante et a été souvent très réussie. Des « relais » se sont constitués et s’offraient dans proGetS pour jalonner les chemins et le cheminement des participants venant par Groupe, ville, département… Par ce chemin commun, les cadres territoriaux prenaient un visage, l’identité locale se forgeait, les « charmes » de la vie « à la scoute » se retrouvaient, ce qui construit une « identité scoute et guide » se révélait à nouveau en le vivant. N’oublions pas qu’un des buts de toute cette longue démarche était de résoudre ce que nous appelions par commodité, une crise d’identité, formule qui recouvre beaucoup de choses…
Nous pensions que « venir au Rendez-vous » d’une certaine manière avait autant d’importance que ce qui se vivrait pendant le rassemblement lui-même et de toute façon façonnerait une part de sa réussite. Et, de fait, les images qui montrent l’arrivée des délégations, témoignent de ce que ces groupes avaient déjà vécu quelque chose ensemble. Cette partie immergée de l’aventure, multiforme, est souvent restée « sans histoire » au sens propre, elle appartient à chacun.e, au petit groupe qui a fait le chemin, elle a donné ce folklore propre à chaque unité de scoutisme qui fait qu’aucune n’est semblable à une autre mais que néanmoins, en se retrouvant, elles communient parce qu’elles sont semblables.
Nous connaissons la formule « le scout campe et décampe ». Personnellement, je crois que sa force est de décamper avant de camper, de partir avant de s’arrêter, de se libérer avant de s’installer. Je crois que tout ce qui se fait une gloire de répéter, de faire « comme toujours », n’est pas une éducation scoute : être éclaireur c’est tracer sa route, construire sa vie, s’ouvrir à la découverte du monde et des autres. Quand j’étais chef de Troupe, j’ai toujours proposé aux garçons une large part de « camp volant ». Pour bien camper, il faut décamper d’où on est ! L’incitation souvent réalisée faites aux participants de La Trivalle de faire du chemin pour y venir, participait de cette « philosophie » pour prendre un grand mot !
Enfin, bien sûr, « avant » le rassemblement, c’est le camp préparatoire de volontaires venus monter les infrastructures. Ce fut un chantier passionnant, par les défis de préparer au milieu de rien une ville du provisoire de dix mille habitants, par la qualité d’engagement des volontaires, et par la preuve, faite en agissant, que Pionniers et Caravelles, filles et garçons, en créant oublient bien des stéréotypes. Je pense avec amitié et admiration à Jeanne Pouilly, exceptionnelle pédagogue et technicienne du guidisme et qui n’avait pas sa pareille pour montrer aux filles qu’elles font tout aussi bien que « les gars ». Ce qu’on appelait, curieusement et un peu pompeusement, la co-éducation, trouvait là un exercice pratique dont nous n’avons pas assez tiré la leçon alors.
Ce camp préparatoire comportait un moment particulier de formation des communautés d’accueil. En arrivant les participants allaient être accueillis sur leur lieu de vie par des petits groupes facilitateurs qui expliquaient, dépannaient, aidaient à l’installation. Nous savons tous que les premières heures dans ce genre d’aventure, surtout après un assez long voyage, peuvent être irritantes et qu’un bon accueil permet de tempérer ces tensions. Nous avions formé tout spécialement ces équipes du bien commun.
Enfin il faut rappeler que le rassemblement étaient ouvert à tous les cadres du Scoutisme Français et que toutes les associations avaient une délégation. Un bon film sur place a été réalisé à l’initiative des Eclaireurs Israélites, par Marc Horwitz, Un Désert pour trois jours. On peut le trouver par l’INA.
Nota bene
Dans ces bribes de mémoire je ne vais pas « raconter la Trivalle », juste rappeler une structure, des choix, des temps, mais le récit de ce qui s’y est vécu appartient à chaque participant.e. Peut-être que les membres de l’AMAS pourraient solliciter leur mémoire et celles de leurs vieux amis pour apporter à ce squelette la chair de leurs souvenirs. Car il n’y eut pas UNE Trivalle, mais autant de Trivalle que de participant.e.s. Ces pages sont ouvertes, n’hésitez-pas, contactez-moi, ou non, et réactivez votre mémoire…
C’était donc :
Les 29, 30, 31 juillet 1973
A LA TRIVALLE – 34520 - LE CAYLAR
On se souvient que les buts étaient, par cette expérience de désert, de vivre un temps de vie scoute pour employer des mots simples, de réfléchir sur la proposition d’éducation portée par chacun et par les collectifs, de tracer des perspectives et enfin de vivre un moment de vie communautaire, joyeuse, créative, spirituelle.
Il fallait aussi respecter strictement l’environnement, engagement scout originel, qui prenait une dimension nouvelle : le premier Jour de la Terre, célébré le 22 avril 1970, le ministère français créé en 1971et le lancement du Programme des Nations Unies pour l’Environnement en 1972, parrainé par René Dubos, co-auteur du fameux penser globalement, agir localement.
Pour cela nous voulions éviter l’aspect grand bastringue en divisant le vaste espace occupé en villages, baptisés des noms des vents du sud, eux-mêmes divisés en lieux de vie des groupes, chaque village avait ses services publics et son marché, chaque lieu de vie sa cuisine, ses sanitaires et les lieux de vie collective et de camp.
Un forum central permettait de réunir tout le monde et la cathédrale était sur la montagne, un cirque naturel d’une extraordinaire acoustique qui permettait de l’utiliser sans sonorisation !
Nous avions tenté de faire en sorte que, sur place, on puisse vivre scoutement en toute simplicité, penser et s’exprimer librement et développer des habitudes de gestion collective dans un mouvement encore très hiérarchique par endroit.
Voici selon quel « emploi du temps ».
Le premier jour
Arriver, être accueilli, découvrir les voisins, s’installer et construire les installations de vie en tubes d’échafaudage de 5cm de diamètre en différentes longueurs assemblés par des colliers utilisant des clés à pipe de 22, objet culte du rassemblement ! Et différents panneaux, bâches, toiles…
Très vite, les moyens de communications fonctionnent pour informer et conforter la sécurité, étant donné la relative dispersion des sites : le journal de La Trivalle paraît deux fois par jour grâce à une rédaction et imprimerie sur place, distribué sur les marchés et par des crieurs ; des affiches fabriquées sur place par un atelier de sérigraphie sont collées sur des « colonnes Morris » et une radio câblée réunit les auditeurs autour de haut-parleurs dispersés à des carrefours, façon transistors de brousse ! Les autorités étaient inquiètes : éloignement, incendie, panique, etc. et avaient exigé un système d’alerte !
S’habituer au lieu et à ses équipements et commencer à échanger : d’où on vient, comment c’est chez vous, chez nous, les enfants des unités, les actions menées, les questions posées, etc. et le soir c’est la fête dans chaque village, dans trente lieux de fêtes prévus.
Le deuxième jour
C’est un jour studieux. En petits groupes, chacun exprime une préoccupation essentielle, puis des regroupements se font entre les préoccupations convergentes où on se questionne, on s’explique, on cherche des solutions… et on garde trace sous forme d’une « page » de graphisme libre !
Des observateurs, qui passent de groupe en groupe, informent une équipe qui prépare des lieux de synthèse par thèmes pour l’après-midi. Signalés et balisés, ces lieux thématiques regroupent ceux qui ont abordé ce thème, pour regrouper ainsi les « pages » du matin en « chapitres » du grand livre (format des paper boards) en train de s’écrire. C’est aussi le moment où « on positive », on évoque des solutions, on propose des façons de faire, on invente, on cherche l’avenir. Tout est soigneusement consigné, les fameuses pages du livre sont rassemblées en un point central.
Après ce bouillonnement d’idées, on a bien gagné du calme, des échanges tranquilles, autour de dizaines de braséros répartis tout alentour, avec conteur ou conteuse, chanteur ou chanteuse… on passe de l’un à l’autre, on s’isole, on va dormir un moment… et le ciel des nuits cévenoles est si beau !
Le troisième jour
Il commence à l’aube, les clochers ont retenti (des métallophones improvisés en tube de 5 coupés à la bonne note ! ). Les noctambules encore autour des braseros finissant, les couche-tôt bien réveillés, les couche-tard ensommeillés, toutes et tous en files lentes entreprennent l’ascension de la montagne, deux heures qui les mènent au soleil levant dans le cirque de pierre vive où la messe sera vécue, chantée, priée, intense, lumineuse…
En descendant de la montagne, des tables de fruits, de gâteaux et d’eau fraîche réconfortent, les marchés sont ouverts, on fera un repas de fête, un banquet général…
Le livre s’est « relié », on le transporte en camionnette, et c’est l’envoi, la seule assemblée totale, les prises de parole sont fortes, mais l’événement vécu était plus fort que les mots…
On démonte…
On s’embrasse en partant…
La ville provisoire redevient pâturage à moutons…
La Trivalle commence sa légende et, sincèrement, je crois qu’un avenir a commencé…
Et après…
Dommage !
Soyons honnêtes, « on » avait tout prévu, mais les Conseils d’Administration ne s’étaient pas doutés qu’il risquait d’y avoir un « après » à assumer, comme on dit aujourd’hui, un « après » qui serait un pas de plus vers un avenir Scouts et Guides repensé en commun. A La Trivalle les responsables s’étaient exprimés comme jamais, seulement ce n’était pas une Assemblée Générale statutaire apte juridiquement à prendre des décisions. Maintenant il fallait prendre le temps de la réunir, c’est-à-dire s’éloigner de l’événement et perdre le bénéfice de l’enthousiasme créateur. C’est la principale erreur de tout ce processus, n’avoir pas préparé un avenir « légal » aux Mouvements, qu’on puisse lancer le dernier jour ! Il a fallu trente ans pour rattraper cet oubli, et/ou ce manque de confiance dans la réussite de l’événement.
- Et le fameux livre ?
Bonne question ! Pendant un mois, des volontaires dévoués l’ont transcrit, ont reproduit certaines pages à la graphie caractéristique, ont regroupé les pages en chapitres et en trois grandes sections : Scoutisme et Société, Scoutisme et Foi, la Communauté scoute.
L’équipe ne s’est pas contentée de transcrire, elle a regroupé, réordonné, pour dégager de grandes lignes qui deviendront aux Assemblées Générales suivantes, tenues en même temps par les deux mouvements, des orientations communes. Je voudrais, cinquante ans après, mettre en valeur le travail ingrat, anonyme, énorme, de cette équipe qui a mis à disposition de tous le travail de 10 000 responsables des deux mouvements. Et souligner par la même occasion que cette démarche d’associations sollicitant tous leurs cadres et orientant avec eux leur avenir, est rare.
D’autant plus que, sous des allures d’improvisations un peu brouillonnes et des tournures juvéniles de l’époque, le contenu est étonnamment juste : les constats sont honnêtes, les questions bien posées, des réponses envisagées, des engagements pris par ceux-là mêmes qui pouvaient être aptes à les tenir. Plus qu’un examen de conscience culpabilisé, il s’agit généralement, pour qui veut bien lire sans préjugés, d’engagements pris en commun et en équipe. Au risque de sembler pompeux, j’ose dire que l’objectif de régénération visé par ce temps de « désert » était atteint.
Et pourtant Le Livre de la Trivalle a été beaucoup moqué par les beaux esprits familiers de Descartes, les historiens soucieux de ne pas se noyer dans les détails, les obsédés de l’orthographe et des belles phrases… Quel fouillis, mes bons amis, et de bien piètres dessinateurs… Illisible ! Déstructuré ! Pire : soixantehuitard ! J’ai rappelé qu’après sa lecture (comment l’avait-il eu ?) Jean Raspail, le 8 janvier 1974, déclarait dans le Figaro que La Trivalle signait une nouvelle mort de Baden Powell ! (J.Raspail venait de publier Le Camp des Saints où il décrit la submersion de la France par une flotte de bateaux d’émigrés…) Certes le Livre de la Trivalle n’est pas un modèle de beau langage et n’a pas la poésie des grandes forêts chère Jean-Louis Foncine (alias Pierre Lamoureux, 1912-2005), ni l’allant chevaleresque propre à Serge Dalens (alias Yves de Verdilhac, 1910-1998), ni l’humour de Mik Fondal (les deux réunis), car nous ne sommes pas dans un Signe de Piste, ou dans une dystopie angoissante, nous sommes dans la vraie vie, celle où, finalement, BP vit toujours par la fraternité des millions de vrais scouts et de vraies guides sur tous les continents.
Cette pauvre plaquette au format A4, polycopiée à l’économie, est à la fois un étonnant témoignage des questions posées au scoutisme à l’époque, et peut-être depuis toujours, et un ensemble de perspectives à explorer, de programmes à développer, d’actions à mener, autant de sources d’inspiration pour tous les responsables de nos mouvements, aujourd’hui encore sans doute…
Retombées médiatiques
Les équipes de relations extérieures avaient fait fort et Claude Champeaux avait assuré des communications téléphoniques parfaites dans la tente de presse au milieu de nulle part, si bien qu’on parla de cet événement largement. Il y eut de longs articles dans Le Monde, et de toutes parts on écrivit, comme à l’accoutumée, que les Scouts existaient encore, ce qui est un marronnier inusable de la presse ! Il y eut des reportages et des films… Finalement je crois que la retombée médiatique la plus utile fut un numéro de la revue Fêtes et Saisons, mensuel catholique important de l’époque, entièrement consacré aux Scouts et aux Guides de France largement diffusé dans toutes les paroisses.
Après tout…
Finalement est-ce que le principal « après » n’est pas dans les souvenirs des dix mille citoyens de cette cité du provisoire érigée dans un désert de lumière ?
Lectrices, lecteurs, de ces Bribes faites revivre cet après-là en réactivant vos souvenirs et en les transmettant à l’AMAS pour alimenter la mémoire.
Ecoutons encore un instant, en nous quittant, Jean Debruynne qui fut l’âme de ce peuple :
Le désert, c’est du rien. C’est du vide, du moins que rien, du rien du tout. Il existe aussi des jours où le désert, c’est ce qu’on a l’impression de vivre. Le désert, c’est l’image que se fait la Bible quand elle pense à ce qu’était le monde avant sa création : « Ce n’est qu’un tohu-bohu… » Mais cela suffit à Dieu. Dieu n’en demandait pas plus. Pour Dieu, le désert n’est pas mort, c’est un commencement. Dieu n’a pas besoin de choses pour créer, il ne crée qu’avec Amour. Même avec du tohu-bohu, mais avec son Amour, Dieu crée l’homme et la femme. Pour les créer à son image, Dieu n’a besoin que d’Amour. Je ne suis pas un savant, alors je ne sais pas d’où vient l’Homme, mais je suis sûr qu’il vient de l’Amour. Cet Amour, Dieu l’a caché comme un secret dans le cœur de l’homme et de la femme. C’est depuis ce temps-là que l’homme et la femme sont capables de changer les déserts en jardins fleuris.
Jean DEBRUYNNE
(Nouvel Essor)
Chantons encore ensemble ces refrains :
L’espérance est prête
Pour la liberté
Inventons la fête
Du bal de l’été
***
Grande marée des tempêtes
Équinoxe de l’esprit
Tes fanfares ouvrent la fête
Du retour de Jésus-Christ.
Et lisons avec bonheur ce texte de Philippe Missotte écrit pour l’occasion dans proGetS :
Quand on part ensemble
Ceux qui croiseront nos routes aux carrefours de l’été
verront sans le savoir la naissance d’un peuple.
Un peuple en marche, avec son étoile et ses ciels d’orage.
Un peuple qui va de bivouacs pliés dans l’aube en bivouacs montés dans le crépuscule,
sur un autre rivage, près d’un autre horizon, derrière une autre ligne de montagnes.
Un peuple articulé d’équipes.
Avec ses amitiés, ses bagarres, sa loi, ses rites et sa lutte pour le feu,
comme la horde de la Préhistoire.
Ses hymnes sont des chansons sorties d’une caravane vers Sacramento.
Et quand il rencontre d’autres peuples, il connaît la méfiance de l’approche,
puis le sourire et la main tendue, puis les cadeaux laissés,
puis le souvenir des sourires.
Il sait le village tapi dans la vallée
et le coup de main à la moisson juste avant l’orage,
et le coup de blanc après la dernière gerbe,
le rendez-vous attendu depuis des mois par des amis impatients
qui ont cuit les tartes aux pommes et mis la piquette au frais.
Au peuple, le Christ parle sans parole, par toutes les rencontres,
les offres et les refus.
Et par les coups de pompe et les fêtes tonitruantes
et toutes les pierres heurtées et toutes les pierres entassées.
C’est le temps des bivouacs, plus qu’un temps de vacances,
plus même que l’entreprise qui est son but,
c’est le camp qui fait d’un peuple de jeunes un peuple de pionniers,
et de toi un fils de roi qui s’apprend lui-même en découvrant son royaume.