Michel Rigal - ORTHODOXIE ET CONFORMISME Le Chef, juillet-août 1953, N° 296

Le 07/02/2024

Dans Michel Rigal

Dans ce texte pour lASSEMBLÉE GÉNÉRALE en septembre 1953 organisée à Angers, Michel Rigal revient sur ce thème dune fidélité formelle qui finalement trahit lesprit.

Je suis frappé — et cela dans les trois branches du Mouvement — de l'extraordinaire fidélité formelle de nos chefs à une certaine pratique du scoutisme — on veut être orthodoxe, on se soucie beaucoup de savoir si telle ou telle activité peut être considérée comme classique. Ne se demandait-on pas, dans telle de nos provinces, si le fait de chausser des skis était bien conforme au souhait de B.P. qui, dans « Eclaireurs », n'en avait pas prévu l'utilisation ?

(…) si les chefs du Mouvement manifestent le plus grand désir de ne pas s'égarer hors des sentiers rebattus des recettes et des trucs, ils sautent bien souvent à pied joint au-dessus des grands principes du scoutisme. Ils sont conformes, ils ne sont pas orthodoxes.

Faire confiance, donner à chacun des responsabilités, alterner la détente et l'émulation, rendre vivantes et efficaces la promesse et la loi, utiliser la progressivité du système des classes, et la spécificité des badges, créer une atmosphère de service et de B.A. et en exalter 1e désir et la pratique, former le. jugement par le fonctionnement des conseils, vivre la vie des bois, voilà les pièces maîtresses du système qui aideront à atteindre les quatre buts du scoutisme : formation du caractère, habileté manuelle, santé physique, esprit de service (...).

Le Scoutisme est un jeu très simple qui tire ses vertus de sa simplicité même, mais il agit encore beaucoup plus efficacement si, au lieu de se contenter de traditions plus ou moins respectables ou de ce qui a réussi ailleurs, on se donne un peu de peine pour analyser son action.

En mettant trop l'accent sur les activités aux dépens de la manière et du mode dans lequel elles doivent être pratiquées on va vers la stérilité et vers de graves déviations(...).

Être orthodoxe en scoutisme c'est être fidèle à l'esprit, à la méthode, aux buts. C'est quelque chose d'essentiellement vivant et qui laisse quant aux moyens toute l'initiative possible et imaginable. Je dirai même que l'orthodoxie pousse à une infinie liberté d'imagination quant aux moyens.

Être conformiste c'est, en méconnaissant l'esprit, la méthode et les buts être fidèle à une certaine lettre. C'est désirer se cantonner dans l'imitation de ce qu'il y a de plus superficiel, répéter à l'infini des gestes qui, coupés de leur inspiration, ne signifient plus rien et deviennent par là même rapidement inefficaces. C'est en outre se vouer à une surenchère des activités non en fonction de leur intérêt éducatif mais de leur brillant extérieur.