Michel Rigal - DESEMBALLER LA MACHINE La Route, juillet 1949, p 2

Le 07/02/2024

Dans Michel Rigal

A l’entrée de l’été, et donc à l’approche des camps, le Commissaire Route rédige l’inévitable éditorial sur les conditions de réussite des camps scouts : pas seulement un agréable temps de vacances, l’occasion aussi de construire plus solidement sa vie d’homme. Cette année-là, M. Rigal met l’accent sur la bonne manière d’habiter le temps du camp : ralentir sur les activités pour « se retrouver soi-même ». 

Le souhait de M. Rigal en 1949 ressemble fort à celui des SGDF de 2023 qui cherchent à « ralentir le rythme » pour avoir le temps de vivre tranquillement du scoutisme.

A plusieurs reprises, le Chef a attiré l'attention sur les qualités d'un bon camp. Qu’il soit d'éclaireurs ou de routiers, il n'en est pas de plus importante que d’en faire une halte reposante. C'est bien plus difficile qu'on ne l’imagine, et deux écueils sont principalement à éviter.

On confond trop souvent détente et relâchement. On se lève à huit, neuf heures, ce qui, de fil en aiguille, aboutit à se coucher fort tard sans avoir rien fait.

Ou bien on se jette sur des activités qui, pour être différentes des occupations courantes de l'année, n'en sont pas moins forcenées et trépidantes, contraires à l'esprit du scoutisme qui est de se retrouver soi-même en retrouvant un rythme apaisé dans une nature faite pour nous.

Votre problème personnel n’est pas différent. Pour profiter de vos vacances, il faut conserver une discipline qui, pour être détendue, mettra cependant un ordre calme dans vos occupations. L'anarchie n'est génératrice ni de repos, ni de paix.

Mais il faut aussi désemballer la machine, prendre le temps de respirer, écouter, regarder, accueillir en soi les choses et les hommes, se nourrir en somme de tout ce que Dieu nous offre, et que nous dédaignons d'habitude par suite de nos importantes occupations. Il faut savoir se plier à cette active et curieuse passivité qu'on nomme le loisir1.

Nous occuper peu de nous, beaucoup de ce qui nous entoure reste le moyen le plus sûr d'être rendus à nous-même et d'apporter un esprit plus vaste, un cœur plus ardent et plus fidèle aux tâches qui nous attendent lorsque sera terminé ce temps du recueillement.

1 : faut-il voir dans ce « loisir » un prolongement contemporain de l’otium des anciens romains (qui n’avait rien à voir avec la paresse). La formation et la culture classiques de Michel Rigal autorisent à le penser.