Roland Daval

Un pari fou mais gagné

Roland davalNé en 1947, Roland Daval est instituteur et a été détaché pendant 30 ans auprès des Éclaireuses et Éclaireurs de France.

Il rencontre le scoutisme à l'école normale d'instituteur de Mirecourt. Il a été ensuite animateur régional entre 1969 et 1979 chez les éclaireuses et éclaireurs de France en région Alsace-Lorraine en charge du développement, de la formation, de l'animation, de l'organisation et de la gestion. Puis il a été Secrétaire général (en charge de l’administration et de la gestion) de 1979 à 1990 avant d’être Délégué Général de cette association de 1990 à 1998 et vice-président quelques années à partir de 2009.

Il a par la suite occupé les responsabilités de Directeur des programmes (1998 à 2003) puis Directeur du volontariat (2003 à 2007) à l'Association Française des Volontaires du Progrès (aujourd'hui France Volontaires).

Il est aujourd'hui consultant pour différentes associations.

Parmi ses autres engagements associatifs, il a été président (bénévole) de l'UCPA de 1985 à 1997 et responsables à la Confédération Jeunesse au Plein Air, et au Réseau Éducation Pour Tous en Afrique.

 

Il a écrit ce récit à l’occasion du 40ème anniversaire du village de Bécours, centre d’activité des EEDF.

Becours

 

  1. Tout a commencé en septembre 1979

Tout a commencé en septembre 1979, lors d’une réunion de la toute nouvelle Équipe nationale des Éclaireuses et Eclaireurs de France animée par François BAIZE – délégué général, réunion qui s’est tenue dans l’orangerie du parc municipal de la ville de Yerres dans les Yvelines. René BAETENS, qui était avec nous dans l’Équipe nationale, avait été directeur du service jeunesse de la ville et nous avait permis de nous retrouver dans ce lieu calme, loin de la vie quotidienne du siège national.

Très récemment installés dans nos nouvelles responsabilités, il nous fallait préparer un plan d’action pour les trois années à venir afin de reconstruire du lien dans l’association après la période mouvementée de la décennie 70. Reconstruire, alors pourquoi ne pas symboliquement construire ensemble. Dans cette période encore post-soixante-huitarde, trouver un village abandonné était toujours à la mode.

Chose dite, chose faite, nous avons donc décidé de nous mettre en recherche active et de mobiliser à cet effet toutes celles et tous ceux qui nous étaient proches.

  1. Pourquoi pas BECOURS ?

Quelques semaines plus tard, notre ami Gérard MALLET est arrivé au siège national avec un quotidien national du moment – Le Matin de Paris – dans lequel un article était consacré à un village abandonné dans l’Aveyron : Bécours, sur la commune de Verrières à quelques kilomètres de Millau. Ce village, dont quelques photos des maisons en ruine figuraient sur l’article, était en vente.

Ce jour-là, au siège national, Claire MOLLET – Cascade – qui était la précédente déléguée générale travaillait avec François BAIZE. Tous convaincus que l’occasion était à saisir, Bernard MACHU également membre de l’Équipe nationale, Claire MOLLET et son mari architecte sont mandatés pour se rendre sur place. Malgré l’état du village, ils sont séduits par ce lieu isolé sur le causse offrant de vastes espaces potentiels d’activités sans gêner des voisins.

Le village est alors propriété d’un architecte de Lyon qui a aussi un cabinet à Millau. Avec l’accord de François BAIZE, Cascade dépose un chèque de 20 000 francs (environ 3 000 euros) sur ses fonds propres car il faut se positionner pour une option d’achat.

L’option étant posée, début décembre l’Équipe nationale prend le train de nuit Paris – Millau pour partir à la découverte de ce hameau caussenard ; ce voyage de nuit nous allions le faire plus d’une fois par la suite. Bien que sur les terres de la région EEDF Midi-Pyrénées, c’est le permanent régional Languedoc-Roussillon – Jean GARASSINO - qui nous attend en gare de Millau, Millau étant plus proche de Montpellier que de Millau.

  1. Mais où est BECOURS ?

Et nous voici en route pour Bécours : le col d’Engayresque et, première surprise, un chemin de tracteur très cahoteux nous conduit vers un hameau avec de superbes maisons mais dont l’état de délabrement est bien avancé. Des ronces et des fourrés ont commencé à envahir l’espace de ce village abandonné par ses habitants depuis 1947.

Il avait neigé ce jour-là mais la vue sur les espaces du causse depuis le perron de la maison que tous connaissent aujourd’hui sous le nom de Cardabelle était superbe. Malgré le pari fou qu’il allait falloir relever, nous avons tous été conquis. Il ne restait plus qu’à convaincre l’association mais le risque était à prendre.

Nous y avons été immédiatement confrontés en rencontrant en fin de journée l’équipe du groupe de Millau. Malgré l’accueil très amical, ces parisiens du 66 Chaussée d’Antin – alors notre siège national, mesuraient-ils leur part de folie, pour acheter et vouloir reconstruire ce village, connu du groupe lors de ses sorties et où, si l’électricité arrivait, ce n’était pas le cas de l’eau, à part une source proche du hameau voisin de Larquinel. Mais amitié et pastis aidant, le groupe nous rejoignait dans cette idée.

Il nous fallait maintenant convaincre l’association dans son ensemble : la région Midi-Pyrénées, le Comité national – pas facile de convaincre avec des diapositives montrant des maisons en ruine - et obtenir l’accord du Comité Directeur. Ce n’était pas simple car nous préparions alors un plan de redressement financier incluant la vente de patrimoine dont la propriété, haut lieu de l’histoire de l’association, à Cappy Verberie dans l’Oise. En tant que secrétaire général j’étais en première ligne sur ce dossier. Réinvestir, même si le montant n’était pas très important – 200 000 francs de l’époque, environ 30 000 euros, n’allait pas dans le sens de l’histoire du moment et pourtant, après un débat important, le Comité Directeur, sensible aux arguments avancés par l’Équipe nationale, donnait son accord pour l’achat du village.

  1. Pour BECOURS ou non ?

Je ne peux m’empêcher de citer le propos de notre ami Yvon BASTIDE qui n’était pas favorable à cet achat : « Bécours nous coûtera très cher car il faudra y amener l’eau à dos de chameau dans des gamelles en or ». Je pense aussi à notre ami Pierre LIPPMAN qui en tant que bénévole me donnait des conseils avisés dans la gestion de l’association et qui arrive un jour dans mon bureau en me traitant de fou pour avoir acheté un terrain qui était tout en pente et sur lequel on ne pourrait guère bien camper. En passant dans le coin, il s’était rendu sur place mais il était allé à la ferme voisine de Larquinel.

Avec ce feu vert donné, il fallait concrétiser le projet en signant à Millau l’acte d’achat qui concernait le village, les terrains à l’arrière et le grand terrain plat avant les blocs sanitaires. L’achat du reste du terrain avec la pinède s’est fait un peu plus tard auprès du propriétaire d’une ferme auberge non loin de Bécours ; il avait planté la pinède mais se contentait de couper les cimes des sapins pour en faire des arbres de Noël.

L’aventure pouvait démarrer mais ce n’était encore que les prémices. Dès l’été 1980, un premier camp chantier d’ainés, sous la direction de René BAETENS, se déroulait dans le village pour faire un premier débroussaillage et dégager les maisons à restaurer.

Après le travail de conviction interne, il a fallu convaincre les partenaires locaux de nous apporter leur soutien. L’architecte des Bâtiments de France avait fait un rapport au Préfet en ne donnant pas son aval pour la restauration du village car c’était trop risqué que d’y faire des chantiers de jeunes et proposait un autre site.

Il a fallu aussi convaincre le CDJA – les jeunes agriculteurs - qui voyaient d’un mauvais œil l’achat des terres devant tout le village pour une destination autre qu’à usage agricole et surtout dont la valeur d’achat pouvait faire grimper les prix sur les autres terres du Causse de Séverac (avec le notaire, nous avons trouvé une astuce juridique pour que le prix d’achat ne figure pas dans l’acte).

  1. BECOURS à l’été 1981

Et puis, il y a tout juste 40 ans, c’était le grand rassemblement de l’été 1981, avec 5 rassemblements successifs de chacun plus de 750 participants.

Pour organiser cette grande aventure, et avec le concours du responsable régional EEDF Midi-Pyrénées – Roger LAGORSSE, nous avons dès le premier rendez-vous obtenu le soutien total du Directeur régional Jeunesse et Sports, un soutien particulièrement utile.

Très vite le Conseil général nous apportera aussi son soutien et nous aidera à monter un dossier pour obtenir des crédits européens.

Pour nous permettre d’organiser le rassemblement de l’été 1981, il nous fallait trouver des solutions pour une réfection provisoire du chemin d’accès - la route c’est bien plus tard, accéder à l’eau avec un branchement provisoire sur le château d’eau de la maison de retraite de Fenailles.

A la demande du préfet de l’Aveyron, représenté par le Sous-Préfet de Millau, une réunion des services départementaux est organisée par nos soins à l’auberge d’Engayresque et le sous-préfet ouvre la réunion en indiquant à toutes les administrations présentes que le Préfet leur demandait de se mettre au service des Éclaireuses et Eclaireurs de France pour les aider à réaliser leur projet de rassemblement national. Tous les freins étaient débloqués et nous pouvions nous engager alors avec confiance pour une superbe aventure qui perdure aujourd’hui encore.

Permettez-moi, pour terminer, d’évoquer quelques souvenirs de cet été 1981 où nous avons vécu sur les lieux de mi-juin à fin août :

-           L’installation du réseau d’eau avec plus de 2 km de tuyaux en PVC avec l’aide de notre ami Gaston, ses mégots de cigares – des voltigeurs – nous permettant de retrouver les raccords des tuyaux.

-           Les latrines et les douches à construire pour quelques 800 personnes et la station d’épuration pour les eaux grasses construite sur mesure avec des bidons.

-           L’arrivée des camions, livrant matériel et chapiteaux, sur le chemin cahoteux.

-           L’arrêt du train à la halte d’Engayresque et l’arrivée des bus relayés pour le transport du matériel en tracteur.

-           Le père FLOUROUX et sa jambe de bois : le dernier habitant du village qui était à l’hospice voisin nous rendait régulièrement visite, heureux de voir son village revivre comme il ne l’avait jamais un seul moment pu l’imaginer.

-           Le château d’eau de la maison de retraite de Fenailles un jour à sec car un participant avait trouvé que percer un tuyau de distribution faisait un beau jet d’eau.

BECOURS continue

Je pourrais encore très longuement parler de Bécours, mais si le village vit toujours autant aujourd’hui c’est parce que de nombreux militants s’y sont investis et s’y sont succédés, notamment au Comité de Gestion et d’Animation de Bécours. C’est aussi grâce aux permanents qui s’y sont engagés. Mais c’est aussi grâce à toutes celles et à tous ceux qui de France ou de l’étranger, ont eu envie et ont toujours envie d’y vivre une belle aventure.

Pour ma part, j’ai découvert Bécours en prenant un chemin de tracteur et quand j’ai quitté mon poste de délégué général en 1998, une sortie d’autoroute, celle d’Engayresque, le desservait.

Que l’aventure continue encore pendant de nombreuses années.

Pour vous rendre sur le site internet de Bécours cliquer sur le lien qui suit :

https://becours.eedf.fr


 

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