Publications de Michel Seyrat

Le 04/09/2024

BRIBES 5

ROUTES, RENCONTRES, RENOUVEAU

Dans le quatrième lot de Bribes j’ai décrit la démarche : appel à l’espérance – échanges par proGetS – rendez-vous à déterminer. Mais, de même que la marche se prouve en marchant, la démarche élargit la vision : indéniablement proGetS, par les échanges qu’il permettait, a aussi fait évoluer les regards sur ce qui se vivait partout. Si vous en trouvez une collection qui traine, jetez un œil aux rubriques Courrier d’ici et d’ailleurs et Nouveaux regards, on y lit vraiment des Mouvements en mouvement !

A partir de récits d’activités racontés par des carrefours de JEM, avec l’équipe Guide, nous avons imaginé une activité qui pourrait être une sorte de « maquette expérimentale de rendez-vous », apportant à la fois un temps d’animation pour les communautés JEM et donnant des informations pour profiler le Rendez-Vous de l’été suivant. C’est ainsi que proGetS a lancé :

Le temps de la communauté à Mélan

Du 10 au 24 août 1972 s’est vécu là un moment très intense pour les participants et une sorte de laboratoire qui inspirera certains aspects du fonctionnement de la Trivalle. L’équipe nationale élargie invitait les JEM qui le souhaitaient, à venir vivre avec elle ce moment, de quelques jours à tout le séjour dans le Village des Feux Nouveaux reconstruit par les Guides depuis 1961. Ni stage, ni colo, nous projetions un temps d’été simple et communautaire dont les lignes directrices mêlaient en un subtil cocktail le scoutisme fondamental, le fonctionnement d’une communauté de jeunes adultes et l’indémodable passage de l’Ecclésiaste 3 : Il y a un temps pour toute chose sous les cieux…

Comment vivre une vie de village qui soit à la fois cadrée et ouverte, productive et innovante, autogérée et aboutie ? Ces questions n’étaient pas minces à l’époque… Avec Catherine Garnier, nous avions décliné, pour une journée, les temps du chapitre, de la création, de la pétanque, du café, de la vie collective, de l’esprit et enfin du feu et de la fête. Rose-Marie Bouge qui était de l’équipe a continué de longues années ce principe d’une équipe disponible qui accueille et aide à mieux vivre.

A l’issue nous espérions aussi une progression personnelle de chaque participant.e marquée par une œuvre, une technique, un service, un projet, une prière, un au-revoir, formulation concrète d’un « programme » de branche aînée.

Nous pensions possible et utile d’éviter la « verticalité » au profit de « l’horizontalité » coopérative, ce qui est à la fois intrinsèque au scoutisme, mais finalement assez peu pratiqué dans nos habitudes structurelles, un « système » où l’épanouissement de chacun soit l’objectif de tous, sans qu’il soit besoin de le proclamer. Bien sûr, il y avait là de l’utopie… l’époque s’y prêtait !

Cette évocation d’un temps, bref mais très intense, me suggère trois remarques. D’abord qu’une communauté de jeunes adultes qui se prend en main produit des merveilles : avec leurs différences, les participants ont construit un temps de vie riche et heureux ; ensuite, nous avons vu que ce profil de « village » pris au sens de petite communauté humaine de proches, est un module efficace de regroupement, de réflexion et d’action ; enfin, que la proposition JEM portait des possibilités encore assez mal développées, en partie à cause des « complications » générées par l’animation commune des deux Mouvements.

Je pense parfois que les intuitions, recherches, investissements, expérimentations autour des JEM ont été sous exploités. D’avoir développé, à partir des Pionniers, une propositions Compagnons, sans co-animation scouts-guides, alors qu’il était acquis que la branche aînée était commune depuis 1967, a été vu comme un coup de canif dans le contrat et a gêné le développement de cette proposition, et d’autant plus après les conflits entre l’équipe nationale et le commissariat général à la fin des années 60. Et pourtant la fécondité de cette proposition était manifeste dans les numéros spéciaux de la revue réalisés « en province » par Alexis Baquet qui rencontrait les communautés d’un territoire. On y lit combien, dans ces années 70, les activités, engagements, formes de vie commune, étaient riches et parfois prophétiques, J’ai ma part de responsabilité dans cet effacement progressif des JEM et il m’en reste une réelle amertume.  

Avant La Trivalle

Une équipe spécialisée s’est mise en place dès la rentrée 1972 pour traduire concrètement les « grands mots » : « urbanisme de désert », « architecture du provisoire », « respect intransigeant de la nature » et pour satisfaire les grands besoins d’espaces, d’eau, de sécurité, de communications internes et externes, etc. Je voudrais juste dire quelques noms de l’équipe, vraies clés de voute de la réussite. Claude Baehrel pas pour rien ingénieur de l’école des mines, Gérard Morfin inventif architecte du provisoire, Alexis Bacquet journaliste tout terrain et toutes les équipes nationales des deux mouvements riches de compétences multiples pour acheminer, accueillir, nourrir, soigner, informer, sécuriser … sans oublier une salle de presse avec des journalistes en escarpins… 

Grâce à l’hebdomadaire, aux « tournées » des membres de l’équipe nationale, aux rencontres des CoDep, les cadres ont été régulièrement sollicités et informés, certains trouvaient même que c’était trop ! il y eut des rendez-vous téléphoniques, des consultations par « cartes postales » pour déterminer les dates, etc. Ce qui importait c’était les retours que cela provoquait, permettant de gérer la préparation au mieux et de faire participer le plus possible les lecteurs aux décisions. Les réponses reçues, y compris critiques, ont contribué à donner une bonne part des couleurs de ce rassemblement et contribué à sa réussite.

Pour écouter, préciser, rassurer, modifier, clarifier, les cadres départementaux des Scouts et des Guides ont été réunis à la Pentecôte, sur les lieux du rassemblement. De leurs relations avec les participants dépendraient les réussites, les réticences, les refus. Les relations entre les cadres « murs » pour prendre un mot simple et les cadres plus jeunes étaient encore un problème dans de nombreux secteurs, ce qui pesait sur le cohésion des groupes locaux sur lesquels portaient beaucoup de responsabilités.

Les défis de ce Rendez-vous lancé à la volée étaient de susciter un temps de vie scoute entre cadres, responsables, JEM, pour « recomprendre » le scoutisme en scoutant soi-même entre jeunes adultes sans singer les enfants ou les ados. Pour cela l’action de prendre le temps de venir, pour arriver et non débarquer, était importante et a été souvent très réussie. Des « relais » se sont constitués et s’offraient dans proGetS pour jalonner les chemins et le cheminement des participants venant par Groupe, ville, département… Par ce chemin commun, les cadres territoriaux prenaient un visage, l’identité locale se forgeait, les « charmes » de la vie « à la scoute » se retrouvaient, ce qui construit une « identité scoute et guide » se révélait à nouveau en le vivant. N’oublions pas qu’un des buts de toute cette longue démarche était de résoudre ce que nous appelions par commodité, une crise d’identité, formule qui recouvre beaucoup de choses…

Nous pensions que « venir au Rendez-vous » d’une certaine manière avait autant d’importance que ce qui se vivrait pendant le rassemblement lui-même et de toute façon façonnerait une part de sa réussite. Et, de fait, les images qui montrent l’arrivée des délégations, témoignent de ce que ces groupes avaient déjà vécu quelque chose ensemble. Cette partie immergée de l’aventure, multiforme, est souvent restée « sans histoire » au sens propre, elle appartient à chacun.e, au petit groupe qui a fait le chemin, elle a donné ce folklore propre à chaque unité de scoutisme qui fait qu’aucune n’est semblable à une autre mais que néanmoins, en se retrouvant, elles communient parce qu’elles sont semblables.

Nous connaissons la formule « le scout campe et décampe ». Personnellement, je crois que sa force est de décamper avant de camper, de partir avant de s’arrêter, de se libérer avant de s’installer. Je crois que tout ce qui se fait une gloire de répéter, de faire « comme toujours », n’est pas une éducation scoute : être éclaireur c’est tracer sa route, construire sa vie, s’ouvrir à la découverte du monde et des autres. Quand j’étais chef de Troupe, j’ai toujours proposé aux garçons une large part de « camp volant ». Pour bien camper, il faut décamper d’où on est ! L’incitation souvent réalisée faites aux participants de La Trivalle de faire du chemin pour y venir, participait de cette « philosophie » pour prendre un grand mot !

Enfin, bien sûr, « avant » le rassemblement, c’est le camp préparatoire de volontaires venus monter les infrastructures. Ce fut un chantier passionnant, par les défis de préparer au milieu de rien une ville du provisoire de dix mille habitants, par la qualité d’engagement des volontaires, et par la preuve, faite en agissant, que Pionniers et Caravelles, filles et garçons, en créant oublient bien des stéréotypes. Je pense avec amitié et admiration à Jeanne Pouilly, exceptionnelle pédagogue et technicienne du guidisme et qui n’avait pas sa pareille pour montrer aux filles qu’elles font tout aussi bien que « les gars ». Ce qu’on appelait, curieusement et un peu pompeusement, la co-éducation, trouvait là un exercice pratique dont nous n’avons pas assez tiré la leçon alors.

Ce camp préparatoire comportait un moment particulier de formation des communautés d’accueil. En arrivant les participants allaient être accueillis sur leur lieu de vie par des petits groupes facilitateurs qui expliquaient, dépannaient, aidaient à l’installation. Nous savons tous que les premières heures dans ce genre d’aventure, surtout après un assez long voyage, peuvent être irritantes et qu’un bon accueil permet de tempérer ces tensions. Nous avions formé tout spécialement ces équipes du bien commun.

Enfin il faut rappeler que le rassemblement étaient ouvert à tous les cadres du Scoutisme Français et que toutes les associations avaient une délégation. Un bon film sur place a été réalisé à l’initiative des Eclaireurs Israélites, par Marc Horwitz, Un Désert pour trois jours. On peut le trouver par l’INA.  

Nota bene

Dans ces bribes de mémoire je ne vais pas « raconter la Trivalle », juste rappeler une structure, des choix, des temps, mais le récit de ce qui s’y est vécu appartient à chaque participant.e. Peut-être que les membres de l’AMAS pourraient solliciter leur mémoire et celles de leurs vieux amis pour apporter à ce squelette la chair de leurs souvenirs. Car il n’y eut pas UNE Trivalle, mais autant de Trivalle que de participant.e.s. Ces pages sont ouvertes, n’hésitez-pas, contactez-moi, ou non, et réactivez votre mémoire… 

      

C’était donc :

Les 29, 30, 31 juillet 1973

A LA TRIVALLE – 34520 - LE CAYLAR

On se souvient que les buts étaient, par cette expérience de désert, de vivre un temps de vie scoute pour employer des mots simples, de réfléchir sur la proposition d’éducation portée par chacun et par les collectifs, de tracer des perspectives et enfin de vivre un moment de vie communautaire, joyeuse, créative, spirituelle.

Il fallait aussi respecter strictement l’environnement, engagement scout originel, qui prenait une dimension nouvelle : le premier Jour de la Terre, célébré le 22 avril 1970, le ministère français créé en 1971et le lancement du Programme des Nations Unies pour l’Environnement en 1972, parrainé par René Dubos, co-auteur du fameux penser globalement, agir localement.

Pour cela nous voulions éviter l’aspect grand bastringue en divisant le vaste espace occupé en villages, baptisés des noms des vents du sud, eux-mêmes divisés en lieux de vie des groupes, chaque village avait ses services publics et son marché, chaque lieu de vie sa cuisine, ses sanitaires et les lieux de vie collective et de camp.

Un forum central permettait de réunir tout le monde et la cathédrale était sur la montagne, un cirque naturel d’une extraordinaire acoustique qui permettait de l’utiliser sans sonorisation !

Nous avions tenté de faire en sorte que, sur place, on puisse vivre scoutement en toute simplicité, penser et s’exprimer librement et développer des habitudes de gestion collective dans un mouvement encore très hiérarchique par endroit.

Voici selon quel « emploi du temps ».

Le premier jour

Arriver, être accueilli, découvrir les voisins, s’installer et construire les installations de vie en tubes d’échafaudage de 5cm de diamètre en différentes longueurs assemblés par des colliers utilisant des clés à pipe de 22, objet culte du rassemblement ! Et différents panneaux, bâches, toiles… 

Très vite, les moyens de communications fonctionnent pour informer et conforter la sécurité, étant donné la relative dispersion des sites : le journal de La Trivalle paraît deux fois par jour grâce à une rédaction et imprimerie sur place, distribué sur les marchés et par des crieurs ; des affiches fabriquées sur place par un atelier de sérigraphie sont collées sur des « colonnes Morris » et une radio câblée réunit les auditeurs autour de haut-parleurs dispersés à des carrefours, façon transistors de brousse ! Les autorités étaient inquiètes : éloignement, incendie, panique, etc. et avaient exigé un système d’alerte !

S’habituer au lieu et à ses équipements et commencer à échanger : d’où on vient, comment c’est chez vous, chez nous, les enfants des unités, les actions menées, les questions posées, etc. et le soir c’est la fête dans chaque village, dans trente lieux de fêtes prévus.

Le deuxième jour

C’est un jour studieux. En petits groupes, chacun exprime une préoccupation essentielle, puis des regroupements se font entre les préoccupations convergentes où on se questionne, on s’explique, on cherche des solutions… et on garde trace sous forme d’une « page » de graphisme libre ! 

Des observateurs, qui passent de groupe en groupe, informent une équipe qui prépare des lieux de synthèse par thèmes pour l’après-midi. Signalés et balisés, ces lieux thématiques regroupent ceux qui ont abordé ce thème, pour regrouper ainsi les « pages » du matin en « chapitres » du grand livre (format des paper boards) en train de s’écrire. C’est aussi le moment où « on positive », on évoque des solutions, on propose des façons de faire, on invente, on cherche l’avenir. Tout est soigneusement consigné, les fameuses pages du livre sont rassemblées en un point central.

Après ce bouillonnement d’idées, on a bien gagné du calme, des échanges tranquilles, autour de dizaines de braséros répartis tout alentour, avec conteur ou conteuse, chanteur ou chanteuse… on passe de l’un à l’autre, on s’isole, on va dormir un moment… et le ciel des nuits cévenoles est si beau !

Le troisième jour

Il commence à l’aube, les clochers ont retenti (des métallophones improvisés en tube de 5 coupés à la bonne note ! ). Les noctambules encore autour des braseros finissant, les couche-tôt bien réveillés, les couche-tard ensommeillés, toutes et tous en files lentes entreprennent l’ascension de la montagne, deux heures qui les mènent au soleil levant dans le cirque de pierre vive où la messe sera vécue, chantée, priée, intense, lumineuse… 

En descendant de la montagne, des tables de fruits, de gâteaux et d’eau fraîche réconfortent, les marchés sont ouverts, on fera un repas de fête, un banquet général…

Le livre s’est « relié », on le transporte en camionnette, et c’est l’envoi, la seule assemblée totale, les prises de parole sont fortes, mais l’événement vécu était plus fort que les mots…

On démonte…

On s’embrasse en partant…

La ville provisoire redevient pâturage à moutons…

La Trivalle commence sa légende et, sincèrement, je crois qu’un avenir a commencé… 

Et après… 

Dommage !

Soyons honnêtes, « on » avait tout prévu, mais les Conseils d’Administration ne s’étaient pas doutés qu’il risquait d’y avoir un « après » à assumer, comme on dit aujourd’hui, un « après » qui serait un pas de plus vers un avenir Scouts et Guides repensé en commun. A La Trivalle les responsables s’étaient exprimés comme jamais, seulement ce n’était pas une Assemblée Générale statutaire apte juridiquement à prendre des décisions. Maintenant il fallait prendre le temps de la réunir, c’est-à-dire s’éloigner de l’événement et perdre le bénéfice de l’enthousiasme créateur. C’est la principale erreur de tout ce processus, n’avoir pas préparé un avenir « légal » aux Mouvements, qu’on puisse lancer le dernier jour ! Il a fallu trente ans pour rattraper cet oubli, et/ou ce manque de confiance dans la réussite de l’événement.

- Et le fameux livre ?

Bonne question ! Pendant un mois, des volontaires dévoués l’ont transcrit, ont reproduit certaines pages à la graphie caractéristique, ont regroupé les pages en chapitres et en trois grandes sections : Scoutisme et Société, Scoutisme et Foi, la Communauté scoute.

L’équipe ne s’est pas contentée de transcrire, elle a regroupé, réordonné, pour dégager de grandes lignes qui deviendront aux Assemblées Générales suivantes, tenues en même temps par les deux mouvements, des orientations communes. Je voudrais, cinquante ans après, mettre en valeur le travail ingrat, anonyme, énorme, de cette équipe qui a mis à disposition de tous le travail de 10 000 responsables des deux mouvements. Et souligner par la même occasion que cette démarche d’associations sollicitant tous leurs cadres et orientant avec eux leur avenir, est rare.  

D’autant plus que, sous des allures d’improvisations un peu brouillonnes et des tournures juvéniles de l’époque, le contenu est étonnamment juste : les constats sont honnêtes, les questions bien posées, des réponses envisagées, des engagements pris par ceux-là mêmes qui pouvaient être aptes à les tenir. Plus qu’un examen de conscience culpabilisé, il s’agit généralement, pour qui veut bien lire sans préjugés, d’engagements pris en commun et en équipe. Au risque de sembler pompeux, j’ose dire que l’objectif de régénération visé par ce temps de « désert » était atteint. 

Et pourtant Le Livre de la Trivalle a été beaucoup moqué par les beaux esprits familiers de Descartes, les historiens soucieux de ne pas se noyer dans les détails, les obsédés de l’orthographe et des belles phrases… Quel fouillis, mes bons amis, et de bien piètres dessinateurs… Illisible ! Déstructuré ! Pire : soixantehuitard ! J’ai rappelé qu’après sa lecture (comment l’avait-il eu ?) Jean Raspail, le 8 janvier 1974, déclarait dans le Figaro que La Trivalle signait une nouvelle mort de Baden Powell ! (J.Raspail venait de publier Le Camp des Saints où il décrit la submersion de la France par une flotte de bateaux d’émigrés…) Certes le Livre de la Trivalle n’est pas un modèle de beau langage et n’a pas la poésie des grandes forêts chère Jean-Louis Foncine (alias Pierre Lamoureux, 1912-2005), ni l’allant chevaleresque propre à Serge Dalens (alias Yves de Verdilhac, 1910-1998), ni l’humour de Mik Fondal (les deux réunis), car nous ne sommes pas dans un Signe de Piste, ou dans une dystopie angoissante, nous sommes dans la vraie vie, celle où, finalement, BP vit toujours par la fraternité des millions de vrais scouts et de vraies guides sur tous les continents.

Cette pauvre plaquette au format A4, polycopiée à l’économie, est à la fois un étonnant témoignage des questions posées au scoutisme à l’époque, et peut-être depuis toujours, et un ensemble de perspectives à explorer, de programmes à développer, d’actions à mener, autant de sources d’inspiration pour tous les responsables de nos mouvements, aujourd’hui encore sans doute… 

Retombées médiatiques

Les équipes de relations extérieures avaient fait fort et Claude Champeaux avait assuré des communications téléphoniques parfaites dans la tente de presse au milieu de nulle part, si bien qu’on parla de cet événement largement. Il y eut de longs articles dans Le Monde, et de toutes parts on écrivit, comme à l’accoutumée, que les Scouts existaient encore, ce qui est un marronnier inusable de la presse ! Il y eut des reportages et des films… Finalement je crois que la retombée médiatique la plus utile fut un numéro de la revue Fêtes et Saisons, mensuel catholique important de l’époque, entièrement consacré aux Scouts et aux Guides de France largement diffusé dans toutes les paroisses.

Après tout…

Finalement est-ce que le principal « après » n’est pas dans les souvenirs des dix mille citoyens de cette cité du provisoire érigée dans un désert de lumière ?

Lectrices, lecteurs, de ces Bribes faites revivre cet après-là en réactivant vos souvenirs et en les transmettant à l’AMAS pour alimenter la mémoire.  

Ecoutons encore un instant, en nous quittant, Jean Debruynne qui fut l’âme de ce peuple :

Le désert, c’est du rien. C’est du vide, du moins que rien, du rien du tout. Il existe aussi des jours où le désert, c’est ce qu’on a l’impression de vivre. Le désert, c’est l’image que se fait la Bible quand elle pense à ce qu’était le monde avant sa création : « Ce n’est qu’un tohu-bohu… » Mais cela suffit à Dieu. Dieu n’en demandait pas plus. Pour Dieu, le désert n’est pas mort, c’est un commencement. Dieu n’a pas besoin de choses pour créer, il ne crée qu’avec Amour. Même avec du tohu-bohu, mais avec son Amour, Dieu crée l’homme et la femme. Pour les créer à son image, Dieu n’a besoin que d’Amour. Je ne suis pas un savant, alors je ne sais pas d’où vient l’Homme, mais je suis sûr qu’il vient de l’Amour. Cet Amour, Dieu l’a caché comme un secret dans le cœur de l’homme et de la femme. C’est depuis ce temps-là que l’homme et la femme sont capables de changer les déserts en jardins fleuris.

Jean DEBRUYNNE

(Nouvel Essor)

Chantons encore ensemble ces refrains :

L’espérance est prête

Pour la liberté

Inventons la fête

Du bal de l’été

      ***

Grande marée des tempêtes

Équinoxe de l’esprit

Tes fanfares ouvrent la fête

Du retour de Jésus-Christ.

Et lisons avec bonheur ce texte de Philippe Missotte écrit pour l’occasion dans proGetS :

Quand on part ensemble

Ceux qui croiseront nos routes aux carrefours de l’été

verront sans le savoir la naissance d’un peuple.

Un peuple en marche, avec son étoile et ses ciels d’orage.

Un peuple qui va de bivouacs pliés dans l’aube en bivouacs montés dans le crépuscule,

sur un autre rivage, près d’un autre horizon, derrière une autre ligne de montagnes.

Un peuple articulé d’équipes.

Avec ses amitiés, ses bagarres, sa loi, ses rites et sa lutte pour le feu,

comme la horde de la Préhistoire.

Ses hymnes sont des chansons sorties d’une caravane vers Sacramento.

Et quand il rencontre d’autres peuples, il connaît la méfiance de l’approche,

puis le sourire et la main tendue, puis les cadeaux laissés,

puis le souvenir des sourires.

Il sait le village tapi dans la vallée

et le coup de main à la moisson juste avant l’orage,

et le coup de blanc après la dernière gerbe,

le rendez-vous attendu depuis des mois par des amis impatients

qui ont cuit les tartes aux pommes et mis la piquette au frais.

Au peuple, le Christ parle sans parole, par toutes les rencontres,

les offres et les refus.

Et par les coups de pompe et les fêtes tonitruantes

et toutes les pierres heurtées et toutes les pierres entassées.

C’est le temps des bivouacs, plus qu’un temps de vacances,

plus même que l’entreprise qui est son but,

c’est le camp qui fait d’un peuple de jeunes un peuple de pionniers,

et de toi un fils de roi qui s’apprend lui-même en découvrant son royaume.

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Le 19/03/2024

BRIBES 4

Bribes 4 de Michel Seyrat est un petit fascicule de 13 pages que vous pouvez télécharger en cliquant sur le lien suivant :

4e me lot de bribes4e-me-lot-de-bribes.pdf (658.79 Ko)

 

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Le 12/02/2024

BRIBES 3

Toujours l’Appel scout !

 

Précisions pour les moins de 60 ans (s’il y en a)

Ces souvenirs datent de cinquante ans, bien des réformes et évolutions ont eu lieu dans l’animation de l’Association et, plus encore, il y a 20 ans, lors de l’union des Guides de France et des Scouts de France, sous l’impulsion de Claude Moraël qui raconte brillamment cette aventure dans un livre récent. Pour que ces souvenirs demeurent compréhensibles en 2023, il faut peut-être quelques précisions. 

Les Routiers avaient depuis quelques années changé leur nom de Clan en celui de Communauté, ce qui modifiait pas mal la perspective et annonçait un profil plus ouvert. Une réforme pédagogique avait divisé le Mouvement en quatre « branches » : Louveteaux, Rangers, Pionniers, JEM (en co-animation avec les Guides de France pour succéder à La Route et aux Guides Ainées). 

Chaque branche était très autonome, état dans l’état, avec ses permanents nationaux, son budget, son réseau, sa formation, sa revue, ses us et coutumes, ses lieux emblématiques, etc. Le Commissariat Général coordonnait, administrait, gérait les relations extérieures et réunissait régulièrement tous les responsables nationaux qui se retrouvaient annuellement en séminaire, au Thill, dans un couvent de Dominicaines des campagnes, en Bourgogne. 

Le mot commissaire était alors courant, pas seulement comme grade de policier, et le nom de rangers n’était pas encore marqué comme désignant des chaussures militaires ! 

Les SdF avaient traversés plusieurs « crises » pendant les trente glorieuses. Après la guerre, Emmanuel Mounier avait stigmatisé une sorte de communautarisme un peu simplet des scouts, qu’il a appelé le scouticisme. L’engagement du scoutisme, affadi sous un lyrisme facile et des rites caduques créerait un entre soi masquant les vrais problèmes. Ce ritualisme scout faisait figurer le scoutisme dans un célèbre dictionnaire des sociétés secrètes. 

Pendant la guerre d’Algérie, la branche Route avait souhaité un engagement plus clair, contre la torture par exemple, d’autres responsables estimaient que cela n’était pas dans notre mission, des départs conflictuels avaient eu lieu. 

La réforme pédagogique avait déclenché des oppositions conservatrices farouches alors que, dans les années post 68, un courant souhaitait, au contraire, que les réformes aillent plus loin, en particulier dans les branches en train de s’inventer pour les pré adolescents et pour les JEM. Ce courant était aussi traversé par les recherches de l’époque autour de la non directivité, des communautés nouvelles, etc. Pour répondre au scouticisme reproché par E. Mounier, plusieurs tenants de ce courant souhaitait déscoutiser davantage, c’est-à-dire se défaire de rites devenus à leur yeux peu signifiants, pour mieux ouvrir le Mouvement à tous les jeunes. 

Ajoutons à cela que l’association avait été affectée par les événements de Mai 68, qui remettaient en cause la pertinence de toute transmission et qui avaient souvent entrainé, dans les Groupes locaux, de l’incompréhension entre les jeunes et les adultes. 

Garder un cap dans ces circonstances condamnait les dirigeants à être accusés de trahison par les passéistes et de conservatisme par les progressistes ! A la bataille de Poitiers (1356), Philippe (le Hardi) conseillait à son père Jean (le Bon) : Père, gardez-vous à droite ; père, gardez-vous à gauche ! C’était un peu la situation de la direction du mouvement, stimulante mais fatigante. 

Fermons la parenthèse informative et revenons aux bribes de ces mémoires concernant mon engagement dans l’équipe nationale, une période très riche de ma vie et aux pauvres souvenirs qu’il m’en reste.  

Rattrapé par la patrouille

En septembre 1968, je suis nommé professeur au lycée de Saint-Amand-Montrond, sous-préfecture du Cher, à 800 kilomètres de Nice, ma ville natale.

« Mai 68 » était bien parvenu jusqu’à cet établissement et moi j’étais sans expérience d’un enseignement à plein temps. J’étais donc concentré sur mon travail, quand je fus abordé par l’aumônier du lycée, Jacques FLEURY, également aumônier diocésain des Scouts et des Guides, à qui quelque bonne âme avait signalé que j’avais été animateur chez les Scouts.

L’homme était sympathique, il avait la ténacité berrichonne, une passion de latiniste et d’helléniste, il jouait de l’orgue avec délicatesse et de solides souliers de terrien sur le pédalier, mangeait une soupe de légumes au petit déjeuner, sa culture biblique et son humanité sans chichi faisaient que ses mots mettaient Jésus-Christ au milieu du groupe auquel il parlait, comme tout naturellement. 

J’ai tenté de résister plusieurs semaines, mais : sans Codep, l’équipe départementale va se déliter…, il y a de bons groupes, mais peu de formation…, enfin, tout ce tintouin d’arguments bien connus qui a fini par me convaincre d’accepter de rempiler pour devenir CoDep du Cher. Jacques FLEURY avait une capacité d’appel assez irrésistible ! Il a été un ami très précieux jusqu’à l’hiver 2022 où il est parti vers son Seigneur, presque centenaire, une Bible sous un bras et des partitions de Bach sous l’autre. 

A l’époque, les structures SdF et celles de la République correspondaient, il y avait donc un COmmissaire DEPartemental ou REGional (CODEP, COREG) et des ANImateurs à chaque niveau (ANIDEP, etc.)

Je n’ai pas été un bon CoDep, je n’étais pas de la région, je suis un mauvais administrateur, je n’aime pas imposer, le moment était difficile, mais j’ai fait, du mieux possible, la transition vers le couple de Michel Melin, berruyer dans l’âme et chef d’un poste Pionnier dont l’extra-job particulièrement rentable se déroulait aux 24 heures du Mans, ce qui me bluffait grandement !

Assemblée Générale, dites-vous ?

J’ai donc participé au collège des CODEP de 1969, au château de Jambville, où j’ai retrouvé Dominique Bénard (nous avions participé au même CEP) CoDep de l’Eure ! Un collège assez agité pour des questions de finances, d’effectifs, de contestation interne, de célébration du cinquantenaire, de report de Journées Nationales, et tout, et tout… rien que du classique pour l’époque ! A la fin du collège, Michel Rigal, Commissaire Général charismatique, demanda aux Codep et Coreg qui pouvaient rester à Jambville de bien vouloir assister à l’Assemblée Générale statutaire, qui allait se tenir dans l’Orangerie du château. 

Je pouvais rester, et nous étions nombreux dans ce cas. Ce dont le Président, Peter Fletcher (qui nous a quitté il y a peu) se félicita chaudement. Après quoi, Michel Rigal s’assit sur le bord de la grande table de vieille menuiserie qui occupait depuis toujours le fond de l’Orangerie et prit les choses en mains. Michel Rigal avait une forte stature, Peter Fletcher était moins imposant. La grande largeur de la table historique les séparait et le président avait bien du mal à présider, tantôt essayant de dépasser par la gauche le dos Rigalien, tantôt tentant par la droite… 

Les habitués de l’exercice s’apprêtaient à voter les délibérations prévues, mais quelques autres plus novices, dont j’étais, ont commencé à trouver que le décalage entre les questions traités dans le Collège et l’inconsistance des débats de l’AG posait un problème de gestion démocratique. L’AG elle-même du reste, posait problème, puisqu’elle élisait des dirigeants qui avaient eux-mêmes nommés leurs électeurs !  

Je n’ai pas un souvenir détaillé de ce moment de fin de week-end à Jambville, mais je me souviens d’avoir vu Michel Rigal, figure respectée, se demander un moment ce qui se passait et sans doute percevoir que quelque chose de profond changeait dans l’Association. L’homme avait des ressources, il n’a été décontenancé qu’un moment et je pense qu’il était prêt à accompagner une mutation devenue nécessaire. Mais ce jour-là, l’ordre des choses a changé, me semble-t-il et les grands chefs ont commencé à penser qu’il fallait faire des nouveaux pas, après ceux des réformes administratives puis pédagogiques, pour que l’Association reste dans son temps et pratique mieux la démocratie interne, chère au fondateur et préconisée par la loi sur les associations !

Train direct

J’avais déjà travaillé avec l’équipe nationale des Pionniers et écrit pour la revue, si bien que, après cette AG, Philippe PIJOLLET, permanent de l’équipe Pionniers, vint me voir dans le Cher pour me proposer de rejoindre l’équipe nationale, l’association ayant un poste de fonctionnaire détaché disponible. Passons sur les tractations, car je trouvais cela bien prématuré. 

Parmi les taches proposées, on évoquait entre autres l’animation des JEM, la coordination des revues, etc. Domaines pour lesquels je n’avais aucune compétence particulière, comme je le répétais. Mais apparemment « ils » voulaient « m’essayer » ! 

De toute façon, il n’y avait pas péril en la demeure, il fallait du temps pour obtenir de mon ministère, un détachement. Dans les « négociations » une certitude m’avait frappé : pour animer les JEM, il fallait un mandat clair et rattaché au Commissariat Général, compte tenu de la situation que j’entrevoyais. Le Conseil National m’a donc ensuite proposé un poste de commissaire général adjoint, bénévole, le train entre le Cher et Paris étant direct m’a-t-on dit !

Un moment romanesque 

Je connaissais mal les JEM, et seulement à travers l’actif et imaginatif groupe niçois. Je fus donc reçu lors d’un passage à Paris, par les deux membres de l’équipe nationale, pour me mettre au parfum. C’était en fin de journée, après le train et l’expédition pour parvenir au Centre National à Courbevoie, désert à cette heure. Le seul éclairage de cette pièce spartiate était une lampe de bureau qui m’éblouissait sans vraiment éclairer les visages de mes deux interlocuteurs qui m’expliquaient des faits dont je n’avais nulle idée. Je n’avais rien à dire, j’écoutais sans entendre, un peu hébété. Je bredouillais de vagues formules aux nombreuses questions. Mes interlocuteurs comprenait mal mon attitude, alors que j’avais simplement hâte de me reposer ! J’ai cru comprendre qu’on craignait que je détruise l’œuvre en cours d’élaboration et que, en quelque sorte, on m’en voulait par avance de ces intentions que je n’avais pas. En repensant à cette scène assez romanesque quelques 50 ans après, je la revois comme si j’avais été un amnésique à qui on tentait de raconter une vie passée dont il n’avait aucun souvenir ! Quand vint le moment de se séparer, je n’en savais pas plus sur les JEM, mais j’avais l’impression d’un nœud de tensions, difficile à vivre. Et qui, de fait, se rompit plus tard dans des circonstances douloureuses issues d’un accident mortel d’un membre de l’équipe.

En première classe vers Strasbourg

A l’été, Émile Visseaux me demanda de l’accompagner au rassemblement des branches aînées à Strasbourg baptisé Europe 70. Le voyage se fit en train dans deux fauteuils face à face. Émile avait enlevé ses mocassins, comme il le faisait souvent en train, et m’expliqua clairement ses intentions : calmer les tensions, animer de façon plus démocratique et participative, clarifier les moyens et buts du scoutisme, et refondre la formation pour qu’elle puisse délivrer BAFA et BAFD.

De ces échanges, me reste en mémoire le sentiment d’une sorte de contrat tacite sur ce projet. Emile me connaissait peu, je le connaissais encore moins, il m’impressionnait, mais ce jour-là, entre Paris et Strasbourg, un pacte s’est scellé qui a duré les cinq ans du mandat d’Émile Visseaux. 

Le compte-rendu d’Europe 70 a été la première publication que j’ai corédigée sous la houlette de Philippe Missotte. 

Révolution à Versailles

Une action déterminante de ce programme, née d’un travail intense du Conseil National et de ses juristes, fut de soumettre fin 1971 de nouveaux statuts pour l’association, accompagnés d’un règlement intérieur et d’un préambule définissant ce que signifiait le mot « scoutisme » pour nous tous. 

Débutait ainsi un fonctionnement démocratique à partir d’Assemblées Départementales, ouvertes aux JEM et cadres quel que soit leur âge ( alors que le droit de vote en France était encore fixé à 21 ans). Les motions des assemblées alimentaient l’AG nationale par un système progressif de commissions de synthèse aboutissant in fine à l’AG nationale. Ce fonctionnement, bien qu’élémentaire et basique, était un changement révolutionnaire dans une association encore marquée par l’indéboulonnable mythe du Chef.

Il revenait en plus à cette AG extraordinaire d’entériner la définition du scoutisme vu en quelque sorte « à l’état pur », hors du temps, à laquelle tout un chacun pouvait se référer. C’était d’autant plus nécessaire que, le mot scout étant du domaine public, de multiples groupuscules et quelques associations plus importantes se qualifiaient de « scout » sans que nul organisme puisse certifier ce label avantageux. Cela tracassait à juste titre les dirigeants du Scoutisme Français, et on sait aujourd’hui que cette inquiétude était pertinente au vu des graves dérives connues depuis.

Pour réussir cette authentique révolution, François BODSON, devenu depuis peu Secrétaire Général, avait loué une salle de congrès à Versailles, non pour le symbole royal, mais parce que proche de Jambville et pouvant accueillir les centaines de participants qui constituaient désormais l’AG des SdF, qui ne tenait plus dans l’Orangerie du château !

Et pour une première, ce fut bien une première à grand spectacle. On aurait cru que des débats contenus depuis des années explosaient tous ensembles. Le vieux clivage apparaissait de plus en plus clairement entre les « en-arrièristes » et les « en-avantistes » ! Pour les uns, on bradait la tradition, les valeurs, l’esprit, l’âme même de notre mouvement en le ramenant à une vulgaire organisations d’éducation populaire. Pour les autres, on arrêtait dans sa marche le mouvement de rénovation et d’ouverture, on figeait le scoutisme et on l’enfermait dans l’immobilité ! 

Novice en cet exercice, j’ai souvenir d’avoir eu ce jour-là l’impression d’assister à un beau spectacle dont le metteur en scène eut été caché, mais qui parvenait néanmoins au dénouement d’un vote changeant radicalement le fonctionnement du Mouvement. 

A partir de cette révolution versaillaise, les AG sont devenues des rendez-vous annuels, festifs et sérieux de centaines de délégués. Pour les recevoir, on avait « civilisé » le grand hangar à matériel de Jambville assez grand pour les accueillir. Tout le monde se mobilisait pour  préparer soigneusement ce moment devenu important, inventer des décors nouveaux grâce à l’architecte Jean Sasso, lancer de jeunes chanteurs et un répertoire neuf, promouvoir des formes d’animation nouvelles, faire communauté autour de liturgies vivantes, etc. Les AG et les rendez-vous réguliers des collèges de CoDep et CoReg, étaient devenues non seulement des lieux de démocratie interne mais également des moments de démonstration de l’Art Scout du moment, dont je parlerai dans une bribe à venir. En 1971, le mouvement avait commencé à prendre son rythme de respiration démocratique. 

 Choisir 

A vrai dire cette respiration démocratique avait déjà commencé une dizaine d’années plus tôt sous la houlette enthousiaste de Georges Dobbelaere et de Pierre Saragoussi, animateurs imaginatifs de l’Equipe Expression. Cette équipe nationale était chargée de renouveler le répertoire des chants (et l’art de les chanter), de créer un nouveau répertoire de « théâtre scout », de stimuler la créativité des enfants et de leur donner les moyens d’acquérir les compétences pour réussir, etc. L’équipe avait mis au point les techniques pour que les jeunes puissent tout créer par eux-mêmes : scénario, costumes, accessoires, décors, etc.  

Pour Georges Dobbelaere la création demandait la liberté de choix au départ, sachant qu’ensuite la réalisation imposait bien des contraintes. Il avait donc initié le « referendum expression » : les membres ou les équipes présentaient leurs projets et les participants choisissaient celui qui avait leur préférence. Cette procédure a été vite introduite dans les nouvelles branches avec le Grand Projet Rangers et l’Entreprise Pionnier. 

Ce fut déjà une révolution : naguère la plupart des camps et activités, suivaient une sorte de programmation plus ou moins fixe, avec des « points de passage obligés », certains mettant un soin maniaque à tout garder secret « pour ménager la surprise ». Proposer aux jeunes de projeter les activités qui les passionnaient, de choisir entre plusieurs, puis de programmer leur réalisation, introduisait chez les Scouts de France une révolution démocratique de la pédagogie, bien dans la perspective que Baden Powell projetait en parlant de « république d’enfants » et d’éducation du « citoyen actif, heureux, utile » qu’il espérait. 

Les innovations pédagogiques étaient à la mode et les débats sur « le scoutisme est-il une pédagogie du programme ou une pédagogie du projet » ont alors fleuri sans jamais déboucher vraiment car la chose est plus complexe, comme le montrera plus tard Dominique Bénard. Néanmoins les « en-arrièristes » et les « en-avantistes » y trouvèrent matière nouvelle à récriminer parce qu’on abandonnait les apprentissages scouts obligés et incontournables, rassemblés dans les sacro-saints carnets des épreuves et, conséquemment, le sens de la discipline qui fait « obéir sans réplique », au profit de l’apprentissage du débat négociateur considéré comme du baratin désordonné. Au contraire, certains estimaient qu’on ne faisait qu’un simulacre de démocratie puisque le cadre scout restait prégnant ! 

Néanmoins, et il faut le rappeler pour leur en rendre un juste hommage, Georges Dobbelaere et son équipe ont introduit, sans crise ni cris, une attitude démocratique dans la relation éducative, ils ont ouvert une créativité assez sclérosée, et préparé le mouvement à accueillir les techniques de formation nouvelles qu’il allait devoir acquérir. Avec eux et autour d’eux s’est élaboré une nouvelle école de l’art scout qui avait peu évolué depuis Home de jeunes de Pierre Joubert, Veillées et feux de camps de Monique Decitre et les souvenirs des Comédiens routiers et des Jeux dramatiques de Léon Chancerel. Les Presses d’Île de France ont publié les deux livres de cette équipe (Pédagogie de l’expression et Techniques de l’expression) avant qu’elle ne s’autonomise et crée une structure nommée Animation Jeunesse.

L’art scout

Comme cela avait déjà été le cas plusieurs fois dans l’histoire, une sorte d’école artistique s’est alors développée, touchant les différents arts intégrés à la vie scoute : architecture de camp et de chantier, décoration, artisanat, chant, théâtre, liturgie, forme littéraire, bande dessinée, photographie, création musicale et audio-visuelle, etc. Dans tous ces secteurs, de nouveaux noms apportaient de nouveaux talents. Prenons quelques exemples, en sachant que cette nouvelle école des arts scouts mériterait un travail d’historien qui en suivrait les prolongements dans de nombreuses carrières artistiques (on cite souvent le cas de Thierry Le Luron).  

Autour de Michel Kieffer s’est développé tout un domaine dit d’art et technique, artisanat du fer, du cuivre, de la poterie, du vitrail et constructions de grandes dimensions issues du froissartage (du nom de Froissart, inventeur de ces installations). Cet ensemble d’aménagements et de décoration a marqué le style d’une époque et généré de nombreux ateliers créatifs qui passionnaient les jeunes. J’ai beaucoup aimé, un temps, façonner le cuivre martelé ; dans ma troupe, une patrouille s’était spécialisée dans les inclusions dans le polyester, une autre dans la mosaïque. Plusieurs fascicules de Scout en marche ont diffusé cet artisanat artistique. 

On sait que Baden-Powell était passionné de théâtre, jouant souvent la comédie, et qu’il a transmis au mouvement scout ce goût de l’art théâtral, de génération en génération. Dans les  années ici évoquées, on peut dire qu’un nouveau genre théâtral s’est développé, appelé jeux scéniques d’un terme générique qui regroupe une grande diversité. Initiés par G. Dobbelaere et Philippe Missotte, au début ils peuvent mettre en scène un personnage mythique comme Robert le diable ou événement historique ou symboliser une notion ; un lecteur, un chœur ou une bande magnétique assurent le récit que des mouvements collectifs d’acteurs jouent scéniquement. Pour des grands rassemblements, les jeux scéniques s’étoffent et transmettent un message, accompagné de chants collectifs. Pour de grandes occasions (JMJ, Pape en France, célébrations, etc) certains ont été de véritables oratorios modernes. Jean Debruynne, ancien membre de l’équipe Expression, souvent assisté de Françoise Parmentier, apportera au genre de nombreuses réussites, pour des prestigieuses occasions, pour mettre en valeur des groupes humanistes ou évoquer des personnages marquants. 

Les scouts et les guides produisent alors des disques, soutiennent des producteurs, etc. car, on le sait, le chant est intrinsèque au scoutisme. Les années 70 voient se développer une abondante génération de chanteuses et chanteurs, après les chants de François Lebouteux interprétés par Paul Dumas et la Chorale des Scouts de France édités par les disques Clartés, de nombreux talents fleurissent qui font les belles heures des rassemblements et renouvellent les veillées. Jean Debruynne se fait infatigable parolier et Raymond FAU mène la bande qui comporte, excusez la longue liste, Jean Humenry, Gaëtan de Courrèges, les frères Pradelle, Jean-Pierre Bonsirven, Pierre-Michel Gambarelli, Mannick, Bernard Haillant, etc. De nombreux groupes naissent et entrainent les garçons et les filles dans un nouveau répertoire, joyeux, spirituels, altruiste et partagé. Notons que Hugues Auffray, idole des feux de camp, m’a déclaré dans une émission télé n’avoir jamais été scout, mais être heureux de cette amitié enthousiaste. Il faudrait citer les chorales et orchestres de tous volumes qui ont embrayé sur cet élan musical, on y ferait le tour de France. 

Après quelques grands productions comme les Castors de MiTacq/Charlier  et l’inoubliable maître Pierre Joubert, une nouvelle génération de dessinateurs et auteurs de BD jouent avec les scouts. Le tome des Mémoires de Philippe Missotte, dont l’AMAS a soutenu la parution (procurez-le-vous à Scoutik), montre cette éclosion de dessinateurs nouveaux, lyriques ou drôles, qui donnent aux scouts et aux guides de la fin du XX° siècle leur visage plein de vie. Les revues leur font place largement montrant la variété des regards portés sur les activités et les jeunes. 

Dans le domaine des photos et de l’audio-visuel, comme on disait avant l’explosion informatique, le mythique Robert Manson a eu une myriade de disciples qui font les beaux jours de l’inaltérable Calendrier scout dont j’ai connu tous les affres des choix de photos, de format, de textes, de prix, etc. Les photographes restent les meilleurs ambassadeurs des scouts qu’ils introduisent dans de nombreux foyers. Devant un essai de maquette audacieux, Emile Visseaux me fit remarquer qu’il manquait de la place pour écrire quelques mots chaque jour. Devant mon air dubitatif, il ajouta : « Je le vends chaque année à mon voisin de la campagne qui s’en sert quotidiennement pour noter sa production de lait, sans cela il n’en voudra pas. » Un calendrier scout dans l’étable favorise-t-il la lactation ? 

Dans l’art scout, les montages audio-visuels furent à l’époque une activité incontournable : pas de retour de camp sans soirée de projection des diapos, combien de temps spirituels guidés par des projections, combien de fonds de scène aux immenses images ! Bientôt la possibilité de coordonner plusieurs projecteurs a permis de véritables spectacles. Une véritable éducation à l’image s’est ainsi développée (c’est le cas de le dire) à la fois dans les laboratoires de développement et dans l’analyse en vue des projections. 

Enfin nous étions alors dans une heureuse période de l’Église où la liturgie profitait encore de l’aggiornamento conciliaire, ce qui a permis, autant dans les grands rassemblements que dans les camps, de trouver des formes nouvelles de célébrations et de lieux spirituels. La Pâque des pionniers de la paix, en 1968, la messe de la Trivalle cinq ans plus tard, ou les camps des communautés JEM à Mélan (dont Rose-Marie Bouge a continué l’aventure spirituelle) restent dans la mémoire de cette génération comme des hauts lieux de leur vie en Eglise.  

NB. : il y a bien d’autres artistes dans tous ces domaines que je n’ai pas cités, signalez celles et ceux qui vous tiennent à cœur à l’AMAS qui complètera mes propos.  

Trio gagnant 

Mes déplacements à Paris étaient souvent calés sur la réunion du conseil national scouts/guides, instance de coordination diversement appréciée par ses membres, mais qui m’a toujours personnellement beaucoup intéressé, non seulement pour ses travaux mais parce que j’étais curieux sinon fasciné par le fonctionnement du trio gagnant qui le dirigeait : Marie-Thérèse Cheroutre, Jean Debruynne, Emile-Xavier Visseaux, la commissaire générale des Guides, l’aumônier général des Guides et des Scouts et le commissaire général des Scouts. Leurs différences devenaient atout en se complétant, ce qui donnait des débats originaux et captivants à suivre. Ce conseil se réunissait généralement à Paris, au CARGUI (centre d’animation régional des guides) un rez-de-chaussée semi enterré d’un grand immeuble qui me faisait penser à quelque grotte où se déroulait un rituel nouveau aux pouvoirs cachés. Marie-Thérèse était une analyste sociétale toujours en alerte, Emile Visseaux s’efforçait au réalisme pragmatique et Jean Debruynne, souvent abrité derrière son attaché case où les mots se combinaient sous sa plume, émergeait soudain pour risquer timidement une phrase qui changeait généralement la perspective, ou recadrait le débat, voire le satellisait pour de bon. C’est néanmoins bien là que se sont élaborées les actions que j’évoquerai dans un prochain faisceau de bribes et qui ont marqué la vie des deux Mouvements pendant quelques années autour du rendez-vous dit de La Trivalle. Mais je dois au lecteur de reconnaître que j’étais sans doute le seul participant à éprouver là cette impression de participer à une sorte de liturgie dans une étrange grotte urbaine. Privilège du petit provincial naïf et ingénu…

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Le 12/02/2024

BRIBES 2

Etre ou ne pas être scout

Je suis entré en sixième au lycée de garçons de Nice en octobre 1953. Lors du premier cours de Sciences Naturelles, comme on l’appelait alors, le professeur, après avoir présenté sa matière, nous avait déclaré que si nous aimions la nature, nous aimerions les Eclaireurs dont il était dirigeant. Ayant perdu ma mère depuis plusieurs années, je vivais chez mes grands-parents la semaine, et chez mon père le dimanche, mes frères étaient plus âgés et loin, et le lycée m’avait séparé des copains de l’école communale. Bref, les éclaireurs tels que les avait présentés ce professeur semblaient attrayants pour l’ado solitaire que j’étais.  

J’en parlais donc à mes grands-parents. Mon grand-père ancien journaliste avait vu défiler dans les rues de Nice les premiers Eclaireurs des Alpes cinquante ans plus tôt, mais avait peu actualisé sa vision. Ma grand-mère, elle, me fit remarquer qu’il y avait des Scouts à la paroisse toute proche dont l’aumônier était le jeune vicaire qui m’avait fait faire ma communion. « On ne connait pas ce professeur, mais tu connais l’abbé, va le voir jeudi » m’avait dit ma grand-mère. 

C’est ainsi qu’un dimanche matin, après la messe de huit heures, je me suis retrouvé dans la cour du presbytère, espace clos entre deux immeubles, accueilli avec un grand sourire par un géant tranquille d’une vingtaine d’années prénommé Victor. Nous nous en sommes souvenu récemment 70 ans plus tard ! « Tu es dans la patrouille des Tigres, voici René, ton CP ». René Cottin qui n’était guère plus âgé que moi, mais plus grand, m’entraina vers les Tigres en question. Ma vie chez les scouts commençait avec déjà beaucoup de mots mystérieux à mémoriser.

Les épreuves

Très vite on me parla d’épreuves à passer pour faire ma promesse, devenir de seconde classe puis de première classe. Bon ! C’est comme dans les trains, me dis-je. Pendant ces premiers contacts, j’avais l’impression dont je me souviens encore, de choses qui me semblaient hors sol. Utiliser des mots peu courants, savoir la loi scoute sans faillir, faire des nœuds avec des ficelles selon les modèles affichés sur un panneau, siffler « l’appel scout », se placer dans un « rassemblement » selon la disposition des bras du chef Victor, sans oublier « les flots de patrouille » ou la devise des Tigres « faire face », etc. Plutôt bon garçon bien élevé, j’appris tout cela sans passion. Et je fis ma promesse dans la même cour où j’avais découvert les scouts. Ma grand-mère commença, elle, ses épreuves de couture d’insignes…

La Hutte 

Pour entrer dans le monde scout il fallait passer par La Hutte, des magasins en franchise qui vendaient les fameux insignes à conquérir et tous les produits pour le scoutisme. Une découverte pour moi, non seulement de l’uniforme à acquérir (chemise beige, culotte bleu marine, ceinturon, chandail bleu, bas montants jusqu’aux genoux et béret bleu foncé et LE foulard jaune bordé de blanc de la 6ème Nice ), mais aussi de tout l’environnement scout exotique à mes yeux : objets de camps, gamelle, gourde, couverts pliants, sac de couchage et chaussures de marche ou de montagne que ma grand-mère me fit choisir avec grand soin ! Ce magasin au décor de chalet de bois, m’ouvrit à tout un monde ignoré : la montagne, le plein air, les sports. On était loin des vastes enseignes sportives actuelles, les « Huttiers » étaient des anciens scouts attirés par le commerce. Assez vite, la coopérative d’achat avait grandi développant un réseau de franchises devenu depuis Intersport. J’ai retrouvé 20 ans plus tard les huttiers de Nice, administrateurs de la société coopérative nationale, quand je dus prendre part aux négociations de séparation entre le scoutisme et les Huttes, désireuses de se libérer de leurs attaches originelles. Un divorce difficile pendant lequel me revenait le souvenir de l’enfant découvrant le monde de l’aventure en achetant ses premières « grosses chaussures » à La Hutte.  

Marche de nuit

Indirectement, mon entrée aux scouts m’a procuré un plaisir parallèle qui m’est resté. Les réunions avaient lieu le mercredi soir de 20 heures à 22 heures, le jeudi étant sans école on pouvait dormir le matin. Donc chacun rentrait chez soi de nuit et cela me fascinait. La réunion finie, je ne m’attardais pas, m’esquivais et, en trichant sans rien dire, je ne rentrais pas directement à la maison très proche du local scout, je m’offrais des détours dans la nuit silencieuse. Dans les années 50 les autos étaient rares et l’éclairage peu dense (il n’y avait pratiquement pas de magasin éclairé dans le quartier). La perspective des boulevards déserts, la célèbre Promenade des Anglais alignant les reflets des lampadaires sur une mer noire, le détour par l’adresse d’un copain pour voir si sa fenêtre était éclairée, la silhouette d’un clochard dormant sur un banc du square, le retour hâtif par un étroit passage sans lumière et malodorant, l’effort de marcher sans faire de bruit pour rester noyé dans le silence nocturne, tout cela après la réunion, lui donnait une saveur d’aventure qu’elle n’avait guère dans le sous-sol du presbytère où elle se déroulait. J’ai conservé ce goût des villes la nuit et des marches nocturnes pendant lesquelles on perçoit mieux l’âme d’un lieux. 

René Cottin 

Donc j’avais été affecté dans la patrouille des Tigres dont le chef était René Cottin qui m’inspira tout de suite du respect : il était sympathique, ne faisait pas de bruit inutilement et savait organiser les choses. Il m’évita le syndrome du cul-de-pat dont j’entendis parler par la suite. La famille de René habitait un grand appartement du quartier où de multiples objets rares faisaient rêver et en particulier, dans des vitrines, soigneusement rangés, des fruits et légumes séchés par le magnétisme supposé de son père ! Je ne sais toujours pas si j’y croyais ou non… je suis de nature incrédule mais polie, donc j’admirais comme il convenait. René était méticuleux dans les comptes (les Tigres étaient riches, vous lirez plus bas pourquoi), il préparait soigneusement les achats de matériel en nous entrainant dans le vaste magasin des Armes et Cycles de Saint-Etienne proche du local – c’était une expédition possible puisqu’on allait acheter quelque chose, les curieux trainards étant priés de revenir un autre jour - mais, billets de banque en poche, nous faisions lentement le tour des rayons, flottant dans une atmosphère d’aventure, de nature et de chasse ! 

Cinéma et Coca Cola

La patrouille des Tigres était riche car elle avait un extra-job, comme on ne disait pas encore, très capitaliste. Le jeudi après-midi, le père Lasserre, aumônier de tous les jeunes du quartier, animait une séance de cinéma récréative, pas chère et artisanale, alternant des films à images fixes et quelques films animés projetés par un engin qui ronronnait avec un bruit mécanique assez obsédant. Mais la salle était pleine, on riait, on découvrait les immortelles vedettes comiques d’Hollywood, ou jouait dans la cour à l’entracte… Et c’est là que les Tigres intervenaient. Par des négociations dont j’ignorais les subtilités, la patrouille avait l’exclusivité de la vente d’une boisson assez nouvelle et très cotée : les Coca-Cola. Livrées le matin au presbytère, les bouteilles de verre faisaient un séjour dans un réfrigérateur américain installé dans la réserve de la salle et nous les vendions à l’entracte. Avec un bénéfice satisfaisant mais qui nous laissait encore loin derrière les cafés environnants. Il fallait récupérer avec soin les bouteilles de verre à la forme caractéristique consignées, et parfois tempérer les bagarres à jet de coca des joueurs de la cour qui avaient vite perçu qu’un fond de coca, agité dans la bouteille bouchée par le pouce, pouvait faire un jet puissant et poisseux propice à des duels rigolards. Dans ce cas, nous devions intervenir, mais « mollement » disait René Cottin, « s’ils en gâchent beaucoup, on leur en revendra ! » L’abbé avait proposé à chaque patrouille un petit boulot pour alimenter sa caisse, mais, indéniablement, les plus chanceux étaient les Tigres. 

Vieux fort et gros pétards

La patrouille était constituée de baroudeurs du dimanche qui rivalisaient d’équipements issus des surplus de l’armée américaine vendus dans un magasin proche. Sur les bas beiges à revers, il était chic de porter des guêtres de toile kaki, il est vrai bien commodes dans les ronces. Assez riche pour s’offrir des sorties mémorables, la patrouille partait parfois par un car matinal pour aller jouer dans les interminables galeries et salles voutées d’un immense fort qui domine la ville et qui était alors ouvert à tous vents. Divisés en trois groupes, il s’agissait de se livrer des combats à coups de pétards bruyants, de se surprendre à revers et autres tactiques d’assaut auxquelles je ne comprenais pas grand-chose et même rien du tout, mais qui me laissaient à la fin assourdi de pétarades et pressé de retrouver l’air libre et la vue fantastique sur la ville et la mer ! Mais les récits des copains dans le car du retour étaient si enthousiastes que je partageais leur joie. Un jour on fit savoir aux Tigres qu’il fallait arrêter ces expéditions… et plus tard, le fort fut sécurisé et clôturé. Une partie en fut confiée aux scouts bien des années après et je ne pense pas qu’aucun membre des Tigres de 1953 se soit alors fait reconnaitre comme premier occupant !

Les saints du sous-sol 

Un autre lieu caverneux nous attirait quand il était accessible par quelque négligence du sacristain de la paroisse : la crypte de l’église construite dans les années 30. Ses fondations ménageaient un immense sous-sol enterré au deux-tiers, bas de plafond, entrecoupés des soubassements des piliers de la nef et donnant une étonnante impression de vastitude. On y accédait par une porte généralement fermée mais que parfois on oubliait de verrouiller. Dans les réunions de patrouille du jeudi après-midi, essayer la porte de la crypte était un jeu habituel, l’air de rien. Et quelquefois, elle s’ouvrait ! Alors en toute hâte et en silence, nous nous faufilions dans l’escalier qui menait à cet espace mystérieux encombré de vieux meubles et objets au rebut. Les plus fascinants étaient des statues de saints en plâtre, avec des cassures et éraflures, rangées en plusieurs endroits. Jean-Paul, qui était pieux, nous mit dans la tête de les regrouper par affinités : « Marie à un bout et Joseph à l’autre bout, c’est pas normal, et puis si on rapprochait le saint Pierre au doigt cassé du saint Paul qui a un trou dans la tête, ils pourraient se parler ». L’enthousiasme et la science en sainteté de Jean-Paul nous ayant convaincus, dès que la porte se trouva ouverte, nous avons réorganisé la disposition des quelques dix ou douze vieilles statues du sous-sol selon les indications de notre hagiographe. Le savon de notre aumônier fut décapant et la porte de la crypte reçut un nouveau verrou ! C’est pourtant ce lieu qui me fit retrouver cette troupe bien plus tard, mais ce sera dans d’autres bribes… 

Petite et grande Histoire 

J’ai peu de souvenirs précis des réunions du mercredi soir, mais deux me reviennent en mémoire. Pour l’une, le système d’alerte par téléphone et porte à porte (toutes les familles n’avaient pas le téléphone, loin s’en faut) avait demandé une présence en uniforme pour recevoir une visite importante. Il s’agissait d’un monsieur dont le nom figurait dans Étapes, Edouard de Macedo, un fondateur. Il m’avait alors semblé plus âgé que mon père, il parlait doucement, tranquillement, mais, honte sur moi, je n’ai aucun souvenir de ses propos ! La jeunesse est toujours irrespectueuse et étourdie ! je vois juste la silhouette un peu replète d’un homme gentil et attentif. J’ai su par la suite qu’il avait été un organisateur efficace et un promoteur des Huttes. 

L’autre souvenir se tient à la sortie, sur le trottoir, après la réunion. La nuit vient, on bavarde et un des aînés dont le père était officier déclare que c’est un jour de tristesse parce que : « Dien Bien Phu est tombé. » La guerre d’Indochine était dans nos pensées d’assez loin, les informations en continu n’existaient pas, mais ce soir-là la discussion fut active. Ce souvenir m’a marqué parce que je savais que mon frère aîné était pilote de chasse quelque part vers Hanoï ce qui m’angoissa brusquement. Je sus, plus tard qu’il avait été précisément le dernier pilote à décoller de Dien Bien Phu avant le départ des soldats français. 

La Messe de près

Un autre souvenir de fondateur me revient, après la visite d’Edouard de Macedo, tout aussi peu fructueux pour l’Histoire : j’avais servi la messe au chanoine d’Andréis de Bonson sans savoir qui il était ! il faut dire que quand on servait la messe en semaine, on ne trainait pas : on arrivait juste, on partait vite… et on servait selon les rites de l’époque : au pied de l’autel, au bas des marches, attentif à saisir les phrases en latin souvent murmurées qui devaient déclencher tel ou tel geste et ne voyant généralement du célébrant que le dos des chaussures et les mains au moment du lavabo. Je ne sus donc que plus tard que ce prêtre septuagénaire était un pionnier du scoutisme niçois, ce que me confirma mon grand-père. Et moi, à vrai dire, j’avais surtout remarqué ses solides chaussures de montagnard ! 

Ce souvenir m’amène à dire que les « messes scoutes » ont été une révélation. Dans les années 50 on allait à « la messe là-bas » selon le titre si juste de Paul Claudel : le célébrant dont on ne voyait que le dos, effectuait, dans un face à face avec la maçonnerie de l’autel, des rites dans une langue que plus personne ne parlait et qui demandaient des gestes collectifs presque mécaniques : se lever, s’asseoir, s’agenouiller, bredouiller du latin… Quand « le Père » venait dire la messe à la troupe, on vivait « la messe ici ». Il avait une sorte d’autel de campagne, enfilait ses vêtements sacerdotaux devant nous qui entourions l’autel de fortune au plus près. Soudain la messe nous concernait, l’abbé s’interrompait parfois pour expliquer tel geste ou tels mots, communier prenait son sens communautaire, nous étions bien reliés aux chrétiens du monde, dans ce coin de Terre où nous étions rassemblés, mieux sans doute que dans une cathédrale !

J’ai lu récemment dans le journal La Croix le témoignage d’une jeune fille déclarant préférer de beaucoup quand le prêtre tourne le dos et célèbre face au mur de l’autel, face à Dieu, disait-elle, et elle s’enchantait que ce soit en latin, langue qu’elle avouait ignorer (comme la plupart des fidèles). Franchement, pense-t-elle qu’on rencontre Dieu plus facilement face à un mur, fut-il de marbre ou de dorures baroques ? Et le prêtre est-il condamné à ce « dialogue solitaire », si l’on peut dire, plutôt qu’à l’échange de regards entre frères ? 

 

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Le 12/02/2024

BRIBES 1

On ne peut écrire le passé sans le relire à la lumière du reste de sa vie. Ces bribes de mémoires n’échappent pas à cette loi. Ce que je pense aujourd’hui et ce que j’ai pensé après certains événements, colore inévitablement ces récits, c’est la loi de toute tentative autobiographique ! 

J’ai choisi d’écrire par bribes, ces moments de ma vie de scout sur le site de l’AMAS, Association pour les Mémoires des Acteurs du Scoutisme en espérant que cette forme incitera d’autres « acteurs du scoutisme » à y écrire librement, je suis ainsi le principe cher à BP qu’il faut donner l’exemple. Toute vie, a ses miettes de temps qui valent qu’on les raconte. Tout le monde peut s’y essayer. 

Mais je n’ai pas les compétences d’un historien et je suis trop paresseux pour passer des heures à rechercher l’année, le mois, le jour et l’heure où s’est déroulée telle ou telle bribe… Ce n’est pas bien, je le reconnais volontiers, mais si quelque chercheur sérieux s’y intéressait, je tenterai de retrouver cette précision chronologique. Promis ! Pour l’instant, c’est le plaisir de raconter des histoires, des bribes de l’Histoire, qui me pousse, espérant stimuler d’autres récits qui éclaireraient le parcours des Scouts de France. 

La plupart de ces anecdotes se situent entre mon entrée chez les SdF (1953) et la fin de mon mandat de Commissaire Général Adjoint en 1976. C’est-à-dire il y a largement un demi-siècle… le temps de bien des changements ! Même si la narration respecte globalement la chronologie, c’est un récit discontinu, qui pourrait être complété à la demande de lecteurs et lectrices… si j’en ai le courage !

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Le 01/10/2022

Des mémoires, toujours orthographiés au masculin pluriel

Des mémoires, toujours orthographiés au masculin pluriel, racontent la présence de l’auteur dans un moment de l’histoire d’un lieu, d’un groupe, d’un événement public ou privé, d’un fait anecdotique révélateur, etc. Si une autobiographie est centrée sur la vie de l’auteur, les mémoires placent l’auteur dans des moments intéressants qu’il raconte, comme acteur, témoin, analyste…

L’Association pour les Mémoires des Acteurs du Scoutisme situe son action dans cette perspective : aider au recueil de mémoires d’hommes et de femmes qui ont vécu, comme participant, témoin, acteur, organisateur, un moment important de leur vie de scout, de guide, d’éclaireuse ou d’éclaireur. Par son site, son réseau d’adhérents, ses relations éditoriales, l’AMAS peut aider à la diffusion de tels témoignages, brefs ou plus substantiels, mais significatifs. Notre première action a soutenu l’édition et la diffusion d’un tome des Mémoires de Philippe Missotte, acteur important de la naissance des Pionniers SdF. Nous ferons de même pour le récit à paraître de la naissance des Scouts et Guides de France rédigé par Claude Morael.

L’orientation d’un mouvement scout, éclaireur, guide étant naturellement « en avant », le projet de l’AMAS n’est pas passéiste, souhaitant diffuser la parole de femmes et d’hommes qui ont vécu des moments riches d’avenir. Les racines sont fructueuses, mais le poids d’us et coutumes du passé qui ont perdu leur sens alourdit souvent la marche en avant vers les générations nouvelles. Ce n’est pas la perspective de l’AMAS soucieuse de soutenir le développement de l’éducation par un scoutisme vivant et actuel.

Parallèlement, et en fonction de documents qui lui seraient soumis, l’AMAS souhaite entretenir la mémoire de personnalités qui ont marqué les mouvements de scoutisme de leur empreinte et dont le message reste fructueux aujourd’hui. Ainsi publions-nous une évocation de l’action d’Emile Visseaux et travaillons-nous sur une anthologie d’écrits de Michel Rigal. Nous sommes disposés à soutenir toute initiative allant en ce sens sur d’autres personnalités.

L’AMAS fonctionne selon les statuts courants d’une association selon la loi de 1901 déposés à la Préfecture du Val d’Oise, Sous-Préfecture d’Argenteuil, elle est enregistrée sous le numéro W951006697 le 3 septembre 2021. La cotisation annuelle est actuellement de 20 euros au moins. Une assemblée générale de tous les adhérents est prévue en visioconférence au moins une fois par an.

Bienvenue à l’AMAS. Fréquentez régulièrement notre site pour suivre nos actions.

En amitié.


Michel Seyrat, Président.

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Publication de Philippe Missotte

Le 29/01/2024

Un scout dans le siècle

UN CHEF D'OEUVRE

 

Le livre de Philippe est un chef d'œuvre au sens artisanal de ce terme. Philippe a d'abord porté toute son attention au texte. Il écrit à ce sujet :"Ecrire ses mémoires pose quelques questions théoriques. Un acteur peut-il écrire son histoire... et revendiquer en même temps un regard objectif sur ses souvenirs ? L'interrogation reste, lancinante. Je témoigne de ce que j'ai vécu, sans autre ambition. Je ne suis ni historien ni avocat de je ne sais quelle cause. En revanche l'ethnologie, la sociologie m'ont donné des outils d'observation et d'analyse dans mes études entre 40 et 50 ans. Je dois partir des faits, éviter de me fier uniquement à mes souvenirs..." 

Philippe a largement puisé les faits dans les archives de la revue "Scout" dont il a été rédacteur en chef pendant des années.

Son livre est édité en format A4 pour donner toute sa place à une riche iconographie : dessins et photos.

En quelque 300 pages, il raconte une des aventures de sa vie bien remplie : la réforme pédagogique entreprise par les Scouts de France dans les année 1959-1964 avec la création de la branche des Pionniers pour les 14-17 ans.

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Textes de Michel Rigal

Le 07/02/2024

Michel Rigal - UN IMMENSE EFFORT SPIRITUEL Chefs n° 368, nov 1962, p 6

Le 11 octobre 1962, s’est ouvert à Rome le Concile Vatican II. M. Rigal s’en fait l’écho en s’adressant aux chefs dans un éditorial particulièrement long et ambitieux consacré à la vie spirituelle personnelle.

A l’heure où le monde connait des mutations profondes et rapides par l’intelligence créative de l’homme, la vie spirituelle ne doit pas rester à la traîne. Un effort est nécessaire pour se forger une spiritualité adaptée à la modernité du monde.

M. Rigal traduit pour les chefs scouts l’enjeu du Concile Vatican II, aux orientations pastorales plus que doctrinales : adapter l’Eglise, les modes de compréhension et d’expression de la foi, au monde moderne.

M. Rigal développe trois pistes pour cet effort spirituel :

  • intensifier les relations personnelles au Dieu vivant (Parole de Dieu, sacrements, service des autres)
  • approfondissement dogmatique et théologique au sens large
  • entrer en dialogue avec l'événement Parole de Dieu

L’extrait propose la fin de cet éditorial, l’examen des deux dernières pistes et la conclusion.

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Le 07/02/2024

Michel Rigal - CREER UN HOMME CULTIVE Chef n° 347 - Nov - déc 1959, p. 10-11.

Ce numéro de la fin de l’année 1959 est consacré à l’AG du 10 octobre dont le thème de réflexion était Devoirs et chances du scoutisme face à un monde technique. Depuis le mois de janvier, Charles de Gaulle est président de la 5° République pour 7 ans et son premier ministre, Michel Debré, a créé un ministère de la Culture confié à André Malraux qui donne soudain à cette notion une dimension considérable. Dans ce numéro la culture est donc omniprésente : Jacky Bassot, médecin, Commissaire National de la Route, analyse comment la branche aînée peut aider à son développement et François Lebouteux, agrégé es Lettres, Commissaire National Eclaireurs, développe la place du scoutisme dans un monde à grande culture technologique. Georges Dobbelaere en charge de l’Expression rappelle la technique du Referendum, permettant aux garçons de déterminer leurs activité, comme ce fut le cas pour la veillée de cette AG. Alice Collet, Commissaire Nationale Louvetisme raconte avec Anne Herbillon une Entreprise de meute, choisie et menée de cette façon pour la fête de son Groupe. Avant l’extrait de l’éditorial de Michel Rigal, arrêtons-nous un instant sur la circulation du mot entreprise dans le temps et les différentes branches (des louveteaux aux routiers, des routiers aux pionniers) et sur la prise de conscience chez beaucoup de cadres de l’intérêt d’une pédagogie de projets bien comprise, telle que la  présentait Georges Dobbelaere.

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Le 07/02/2024

Michel Rigal - LA HONGRIE Le Chef, n° 325, décembre 1956, pp 2-3

Après la dénonciation par Khrouchtchev des crimes de Staline, les Hongrois se soulèvent à partir du 23 octobre 1956 car ils ne veulent plus de dirigeants aux ordres de Moscou. Manifestations, grève générale amènent le parti communiste hongrois à céder aux revendications politiques de la population insurgée. Dépassés les dirigeants hongrois font appel à l’URSS.  A partir du 4 novembre, la révolution sera écrasée par les tanks de l’Armée rouge afin d’empêcher toute contagion dans les pays du Pacte de Varsovie. Les pays occidentaux, d’une façon générale, ont soutenu verbalement et de loin l’insurrection hongroise, donnant finalement l’impression de « lâcher » les insurgés qui appelaient au secours en vain. L’éditorial de Michel Rigal, dans le numéro de décembre de la revue Le Chef est impressionnant par la vigueur de son engagement et la douleur sincère qu’il exprime. Le voici dans son intégralité.

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Le 07/02/2024

Michel Rigal - ORTHODOXIE ET CONFORMISME Le Chef, juillet-août 1953, N° 296

Dans ce texte pour lASSEMBLÉE GÉNÉRALE en septembre 1953 organisée à Angers, Michel Rigal revient sur ce thème dune fidélité formelle qui finalement trahit lesprit.

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Le 07/02/2024

Michel Rigal - POUR UNE FIDELITE CREATRICE Le Chef, février 1953 – N° 292

Ce premier éditorial de Michel Rigal dans Le Chef est conçu comme un message. Il commence par dire sa crainte de ne pas être à la hauteur de la tâche, salue son prédécesseur Georges GAUTHIER (1905-1990) revenu malade de captivité et Commissaire Général depuis 1946. Michel Rigal développe ensuite une idée clé de sa pensée : être fidèle à ce quest le mouvement cest être apte à le faire vivre pleinement dans les besoins du temps présent.

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Le 07/02/2024

Michel Rigal - DESEMBALLER LA MACHINE La Route, juillet 1949, p 2

A l’entrée de l’été, et donc à l’approche des camps, le Commissaire Route rédige l’inévitable éditorial sur les conditions de réussite des camps scouts : pas seulement un agréable temps de vacances, l’occasion aussi de construire plus solidement sa vie d’homme. Cette année-là, M. Rigal met l’accent sur la bonne manière d’habiter le temps du camp : ralentir sur les activités pour « se retrouver soi-même ». 

Le souhait de M. Rigal en 1949 ressemble fort à celui des SGDF de 2023 qui cherchent à « ralentir le rythme » pour avoir le temps de vivre tranquillement du scoutisme.

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Le 07/02/2024

Michel Rigal - LE PROBLEME INDOCHINOIS La Route, mars 1949, p 21-22

Avec la fin de la seconde guerre mondiale, les revendications d’indépendance s’affirment dans de nombreux territoires colonisés. Ainsi en Indochine française (le Vietnam aujourd’hui) les forces du Vietminh proclament l’indépendance du pays le 2 septembre 1945. L’échec des pourparlers politiques détermine un conflit armé qui oppose, de 1946 à 1954, l’armée française aux forces du Vietminh soutenues par la Chine communiste : c’est la « guerre d’Indochine ».

Dans son numéro de juin 1948, La Route avait publié le témoignage d’un aumônier militaire et aumônier scout sur la situation en Indochine. Cette prise de parole engagée, que Rigal avait nécessairement choisi de publier, soutenait que la revendication de liberté des insurgés vietnamiens était aussi à considérer comme légitime. Cet article avait suscité de vives réactions, d’autant qu’il était complété par l’hommage rendu à deux soldats français, fervents scouts par ailleurs, tués sur le front indochinois.

Dans le numéro de mars 1949, Michel Rigal joue les équilibristes, admettant d’une part la maladresse de la publication du témoignage de l’aumônier dans La Route au moment où des soldats français sont tués en Indochine, et développant de longues explications pour inviter à prendre en considération la juste revendication d’indépendance des peuples humiliés.

L’extrait qui suit conclut ce long article

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