Hommage à Alex Bonifay- Lion

Alexandre Bonifay-Lion a notamment été l'un des fondateurs de la base Nature-Environnement des Scouts et Guides de France en 1980 et en a assuré la responsabilité jusqu'en 2009.

Le 31 juillet 2009, Jean-Claude Gaudin - maire de Marseille - lui a remis la médaille de la Ville à l'occasion de la traditionnelle visite du camp de Luminy.

En novembre 2013, le conseil d'administration des Scouts et Guides de France a nommé un certain nombre d'acteurs engagés dans le mouvement, dont Alexandre Bonifay-Lion, comme membres d'honneur des Scouts et Guides de France.

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Hommage à Alex Bonifay- Lion


 

Faire mémoire de la vie d’Alex, c’est écrire une page d’une époque importante du scoutisme (Scouts de France) dès les années 70. Et ce jusqu’aux années 90, à Marseille et en France.
C’est à peu près dans ce temps que j’ai eu à œuvrer avec Alex au sein du Mouvement.
Chef pionniers, dès la création de la branche, responsable de groupe à Marseille, personnage incontournable des actions nationales pour le mouvement, promoteur de Nature Environnement ; Alex désirait que les Scouts de France, gardent de leur Histoire les valeurs de rigueur, de dépassement de soi, de sens profond du service, tout en les adaptant à l’évolution pédagogique du moment.
On voyait Alex partout où une opération importante ou d’envergure était envisagée, son poste pionnier fort d’une trentaine de jeunes se rendait volontaire sous l’impulsion de ce chef charismatique et peu enclin à la passivité et à la routine.
Très proche de François Bodson, son mentor dans le mouvement, Alex s’investissait sans réserve et sans vraiment se soucier de sa santé ou de sa vie personnelle. Il ne semblait jamais être fatigué et le repos comme la détente, lui semblait être des futilités et une perte de temps. Il fallait aller le plus loin possible dans le dépassement de soi et bien sûr en cela il montrait l’exemple. Parfois difficile à suivre, parfois difficile à canaliser, nos rapports ne furent pas toujours un long fleuve tranquille. Je l’ai rencontré dès les années 75, alors que je débarquais à Marseille, avec une mission : créer la branche compagnons et casser un peu la main mise par les guides sur les ainés (filles et garçons) avec les JEM, Alex avait une excellente relation avec le mouvement guides à Marseille, mais par honnêteté, il fut dans les premier à m’aider pour construire cette branche nouvelle, même si elle venait un peu contre carrer sa volonté de pérenniser les ainés pionniers et les maintenir auprès de lui, pour les actions à mener et pour qu’il trouve là le vivier de ses assistants. Mais il y avait chez lui un ressort qui le ramenait toujours à la sagesse : les décisions du Mouvement.
Si nous avions parfois quelques échanges vifs et des désaccords solides, il n’en demeurait pas moins entre nous, un respect réciproque et une volonté de voir aboutir nos projets. 
C’est ce qui nous a rassemblé dans cette idée de répondre à une attente citoyenne et une sollicitation des pouvoirs publics en installant les Scouts de France dans le dispositif de prévention des feux de forêts et dans le nécessaire reboisement. Une belle opportunité que nous avons construite, malgré quelques réticences de l’équipe nationale du mouvement, qui assez vite, ce sont dissipées.
En été 79 l’espace boisée de Marseille est en proie aux feux durant 3 semaines et des marins pompiers sont tués dans l’incendie ? Nous décidons ensemble d’apporter une réponse à ce drame en proposant l’opération « 10 000 scouts pour reboiser » Le 25 novembre 1979, plus de 15000 jeunes enfants, adultes venant de partout, participent à une opération hors norme. Nous nous répartissons les tâches : lui la logistique, et l’organisation, moi la mobilisation les relations publiques et la communication.
 Alex réussira à obtenir le soutien de la Présidence de la République, de l’Armée et tous les corps de métiers liés à la sécurité qui apporteront un concours efficace, afin que cette journée ne soit pas un grand jeu mais un vrai chantier avec des résultats extraordinaires, qui placeront, avec quelques mois plus tard les camps de Protection de la Forêt, le mouvement comme un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. 
Dès l’été 1980, une centaine de pionniers, en grande partie ceux d’Alex, se mobilise pour surveiller les abords forestiers de Marseille qui n’ont pas encore brulé au sud de la ville. Les années qui suivront, mobiliseront plusieurs milliers de pionniers, compagnons, guides, scouts étrangers, dans des camps répartis dans les Bouches du Rhône, le Var et les Alpes maritimes durant les mois de juillet et d’aout.
En 1985, je cesse d’animer cette mission pour des raisons professionnelles Alex prend seul le relais et avec l’équipe Nationale des Scouts de France, il œuvre pour la création de « Nature et Environnement », qui plus de 40 ans après, accueille toujours de nombreux scouts et guides l’été pour surveiller les forêts en Provence.
Si l’engagement était le moteur d’Alex, il n’en mettait pas moins à mal sa santé ! Ce dont il ne voulait pas que cela soit abordé.
Agir, entrainer, servir, valoriser, se dépasser, c’était son sacerdoce !
Les jeunes étaient admiratifs devant la personnalité bien trempée de ce chef hors norme ! passionné et sur qui chacun pouvait compter pour progresser.
Alex laisse le souvenir d’un Homme habité par les valeurs du Scoutisme !
Il fut un Homme tout entier en quête d’idéal, avec le sens profond du devoir, celui de la dignité de ceux qu’il accompagnait, de l’engagement personnel et de la parole donnée.
Un sens profond du rôle qu’il avait à tenir dans le jeu social et dans les devoirs de sa mission d’Homme et de Chrétien. En même temps avec une certaine fragilité en un désir profond de correspondre en permanence à l’image qu’il voulait donner de lui-même, au risque de mettre à mal sa santé.
Une fierté : celle d’appartenir au mouvement des Scouts et Guides de France

Pierre Bonnéric
 

4 février 2023 - Eglise d'Endoume


Chère Françoise, chère Sandrine, cher Yannick, cher Cédric,  
Chers amis, chers collègues, chers frères et sœurs scouts et guides,
Il y a tellement à dire.
C’est bien au nom de toute l’équipe nationale des Scouts et Guides de France que je viens témoigner aujourd’hui. C’est également aux noms de nombreux anciens, dont Marie-Edith Remilly (ancienne Commissaire générale des GDF), Dominique Bénard (ancien Commissaire général des SDF puis secrétaire général adjoint du bureau mondial) et Philippe Bancon (ancien Commissaire national pionniers et ancien Délégué général) que je vous présente nos condoléances. Dominique et Philippe m’ont confié des témoignages que je remettrai à la famille tout à l’heure.
J’imagine que chacun, dans son contexte, familial, amical, associatif ou professionnel aura une image différente de cet homme hors norme.
Pour nous, Scouts et Guides de France, je vais essayer de vous exprimer qui il était et qui il demeurera dans nos mémoires.
C’est d’abord un homme exceptionnel qui a marqué l’histoire du mouvement scout par ses actions. Jeune puis Chef ici à Marseille, il a été impliqué à tous les échelons des Scouts de France, départemental, régional et national en tant qu’animateur national pionnier dans les années 80.
Il y a d’abord Alex éducateur hors pair. Il le demeurera toute sa vie. Il avait tout compris au scoutisme. Il savait provoquer la progression et le dépassement de ses jeunes en mobilisant tous les ressorts de la méthode éducative. Il osait confier toutes les responsabilités imaginables à des jeunes de 14 ans et se battait auprès des autorités pour le permettre. Pour cela, il restera déjà un exemple pour nous toutes et tous.
Homme de parole, souvenons-nous de sa capacité à citer les écritures : « que ton oui soit un oui et que ton non soit un non ». Ces principes qu’il nous dispensait et qu’il s’appliquait d’abord à lui-même. Souvenons-nous aussi de sa capacité à toujours avoir le mot juste, à synthétiser, à contextualiser. Même si parfois, il le faisait avec une énergie démesurée que son interlocuteur avait du mal à saisir, le fond était toujours le même : nous pousser à « prendre nos engagements, être porteur d’espérance et de grandeur pour les autres. Rester ou devenir nous-mêmes donc simples, désintéressés et capable de pardonner et ainsi d’aimer. » Ce sont ses propres mots qu’il écrivit à l’occasion de mon engagement.
Il y a ensuite Alex bâtisseur. Celui qui mena mille projets.
C’est depuis la Corse, en vacances, qu’il reçoit le choc du grand incendie des calanques de l’été 1979. Avec d’autres, il décide de proposer aux jeunes de toute la France de se mobiliser pour nettoyer et replanter, dès l’automne. L’opération « 10000 jeunes reboisent » voit le jour et ce sont plus de 15000 participants qui mènent cette action. Dès l’été suivant, les camps de surveillance des forêts se montent.
Il prendra la tête d’une proposition de l’association qui sera nommée « Nature-Environnement ». « Nature car c’est l’œuvre de Dieu et Environnement car c’est l’œuvre de l’Homme » comme il aimait l’expliquer. Un trait d’union entre Dieu et les hommes, avec au centre des activités, cette idée que nous sommes toutes et tous dépositaires du trésor fragile confié par le Seigneur, et que la jeunesse doit se saisir de la mission de le préserver.
Au cours de ces années, de 1987 à 2007, Alex, mènera des actions majeures dont je n’en citerai que quelques-unes.
Le chantier de la Sainte-Victoire en novembre 1989 avec 1200 jeunes sur 5 jours, dans une coopération étroite avec une ONF et un préfet estomaqués par tant d’efficacité. En effet, l’organisation millimétrée des équipes d’Alex a permis aux jeunes de manipuler 120 tronçonneuses et autres outils sans qu’il n’y ait un seul blessé.
Quelques frayeurs avec, citons-le, le grand incendie des calanques de 1990 qui imposa une évacuation ordonnée et efficace du site de Luminy avant sa réintégration deux jours plus tard. 
Le séminaire international de 1994 au Pharo, ici à Marseille. Réunissant scientifiques, politiques dont des ministres et associations/organisations de scoutisme du bassin méditerranéen et l’OMMS. Le projet a été d’initier la création de politiques de jeunesse pour l’environnement mais aussi d’imaginer des actions concrètes pour l’environnement euro-méditerranéen. Ce fut, comme toujours avec Alex et ses équipes, un grand succès.
En 2004, à l’occasion des 25 ans du projet Nature-Environnement, c’est une messe, retransmise en direct sur France 2, dédiée à la mémoire de celles et ceux qui ont donné leur vie à la protection de la forêt, réunissant officiels, jeunes et acteurs de terrain, forestiers et pompiers.
Il arrêtera son engagement à l’issue de la saison 2007, les ennuis de santé commençant à pointer leur nez.
Enfin en 2009, le maire de Marseille lui remis la médaille de la ville.
En préparant cet hommage, j’ai pu discuter avec celles et ceux qui, comme moi, l’ont connu dans l’action. Et ce qui est frappant c’est la discrétion autour de nombre de fabuleux projets.
Qui sait qu’Alex a mené les chantiers du rassemblement des pionniers à Lourdes en 1985 en construisant l’amphithéâtre et la chapelle des jeunes ? Ou bien qu’il a contribué à l’ANAE, cette association tournée vers l’accueil du handicap, émanation des Scouts de France ? Ou encore qu’il a gagné avec ses jeunes un concours international de constructions à l’autre bout du monde ?
Je crois que si j’interrogeais chacun, des anecdotes et des prouesses se compteraient par dizaines.
Nous en retenons qu’Alex a toujours été fidèle à ses principes, dont ceux d’humilité et de discrétion. Simple serviteur comme il aimait à nous le rappeler.
Fidèle à ses principes, c’était aussi emmener les autres grâce à son charisme, les amener à se dépasser, avec lui. 
Aimant et fidèle en amitié, ses proches savent à quel point sa générosité était grande.
Ne taisons pas non plus ses accès ponctuels de colère, sa manière très tranchée de mener les opérations, sa malice parfois, ses sourires, ses clins d’œil. C’était lui et n’était jamais au final bien méchant. C’était bien souvent l’expression de l’inquiétude que nous ne proposions pas aux jeunes toute la qualité éducative que nous leur devions ou que nous ne respections pas notre parole dans les missions qui nous incombaient.
Souvenons-nous de ses paroles :
A la question « Quel enrichissement pour les jeunes participants ?
Il répondait :
« Une réelle prise de conscience de la nécessité de préserver l'environnement. Le sentiment d'être des citoyens actifs et utiles. Plusieurs apprentissages, non seulement techniques ou écologiques mais "sociaux" : agir dans le monde avec des adultes et des professionnels, appartenir à une communauté, accueillir d'autres jeunes venant de l'étranger ou en difficulté d'insertion mettre en œuvre un projet et le faire aboutir, devenir responsable. [...] La protection de l'environnement, c'est un moyen éducatif. »
Acteur avant-gardiste de la préservation de l’environnement, Alex portait aussi un souci de répondre aux inégalités socio-économiques et de créer toujours plus de lien entre les jeunes, de contribuer à leur éducation de façon majeure, de leur permettre de devenir des citoyens actifs, utiles, heureux et artisans de paix. C’est tout le projet du scoutisme, proposé par le fondateur Baden-Powell, qu’Alex porta et réalisa tout au long de sa vie.
Des camps internationaux qui réunirent plus de 50000 jeunes depuis 1980 et qui se poursuivent tous les étés. Mais aussi des jeunes des quartiers, des jeunes de foyers, des migrants, des réfugiés, des sans-papiers, etc.
Tout cela n’a été possible que grâce à la mobilisation de sa famille et ses coéquipiers chez les Scouts de France à tous niveaux mais aussi à tout un quartier dans lequel nous sommes aujourd’hui, celui d’Endoume, dont les habitants ont accompagné les plus grandes réalisations d’Alex. 
Au nom de l’association des Scouts et Guides de France, devant la formidable œuvre et l’héritage immense que tu nous laisses, Alex, nous ne pouvons que t’exprimer notre reconnaissance éternelle.
Repose en paix, Grand Frère.


Jean-Christophe Rambert, pour les Scouts et Guides de France, le 04/02/2023.
 

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