Chère Françoise, chère Sandrine, cher Yannick, cher Cédric,
Chers amis, chers collègues, chers frères et sœurs scouts et guides,
Il y a tellement à dire.
C’est bien au nom de toute l’équipe nationale des Scouts et Guides de France que je viens témoigner aujourd’hui. C’est également aux noms de nombreux anciens, dont Marie-Edith Remilly (ancienne Commissaire générale des GDF), Dominique Bénard (ancien Commissaire général des SDF puis secrétaire général adjoint du bureau mondial) et Philippe Bancon (ancien Commissaire national pionniers et ancien Délégué général) que je vous présente nos condoléances. Dominique et Philippe m’ont confié des témoignages que je remettrai à la famille tout à l’heure.
J’imagine que chacun, dans son contexte, familial, amical, associatif ou professionnel aura une image différente de cet homme hors norme.
Pour nous, Scouts et Guides de France, je vais essayer de vous exprimer qui il était et qui il demeurera dans nos mémoires.
C’est d’abord un homme exceptionnel qui a marqué l’histoire du mouvement scout par ses actions. Jeune puis Chef ici à Marseille, il a été impliqué à tous les échelons des Scouts de France, départemental, régional et national en tant qu’animateur national pionnier dans les années 80.
Il y a d’abord Alex éducateur hors pair. Il le demeurera toute sa vie. Il avait tout compris au scoutisme. Il savait provoquer la progression et le dépassement de ses jeunes en mobilisant tous les ressorts de la méthode éducative. Il osait confier toutes les responsabilités imaginables à des jeunes de 14 ans et se battait auprès des autorités pour le permettre. Pour cela, il restera déjà un exemple pour nous toutes et tous.
Homme de parole, souvenons-nous de sa capacité à citer les écritures : « que ton oui soit un oui et que ton non soit un non ». Ces principes qu’il nous dispensait et qu’il s’appliquait d’abord à lui-même. Souvenons-nous aussi de sa capacité à toujours avoir le mot juste, à synthétiser, à contextualiser. Même si parfois, il le faisait avec une énergie démesurée que son interlocuteur avait du mal à saisir, le fond était toujours le même : nous pousser à « prendre nos engagements, être porteur d’espérance et de grandeur pour les autres. Rester ou devenir nous-mêmes donc simples, désintéressés et capable de pardonner et ainsi d’aimer. » Ce sont ses propres mots qu’il écrivit à l’occasion de mon engagement.
Il y a ensuite Alex bâtisseur. Celui qui mena mille projets.
C’est depuis la Corse, en vacances, qu’il reçoit le choc du grand incendie des calanques de l’été 1979. Avec d’autres, il décide de proposer aux jeunes de toute la France de se mobiliser pour nettoyer et replanter, dès l’automne. L’opération « 10000 jeunes reboisent » voit le jour et ce sont plus de 15000 participants qui mènent cette action. Dès l’été suivant, les camps de surveillance des forêts se montent.
Il prendra la tête d’une proposition de l’association qui sera nommée « Nature-Environnement ». « Nature car c’est l’œuvre de Dieu et Environnement car c’est l’œuvre de l’Homme » comme il aimait l’expliquer. Un trait d’union entre Dieu et les hommes, avec au centre des activités, cette idée que nous sommes toutes et tous dépositaires du trésor fragile confié par le Seigneur, et que la jeunesse doit se saisir de la mission de le préserver.
Au cours de ces années, de 1987 à 2007, Alex, mènera des actions majeures dont je n’en citerai que quelques-unes.
Le chantier de la Sainte-Victoire en novembre 1989 avec 1200 jeunes sur 5 jours, dans une coopération étroite avec une ONF et un préfet estomaqués par tant d’efficacité. En effet, l’organisation millimétrée des équipes d’Alex a permis aux jeunes de manipuler 120 tronçonneuses et autres outils sans qu’il n’y ait un seul blessé.
Quelques frayeurs avec, citons-le, le grand incendie des calanques de 1990 qui imposa une évacuation ordonnée et efficace du site de Luminy avant sa réintégration deux jours plus tard.
Le séminaire international de 1994 au Pharo, ici à Marseille. Réunissant scientifiques, politiques dont des ministres et associations/organisations de scoutisme du bassin méditerranéen et l’OMMS. Le projet a été d’initier la création de politiques de jeunesse pour l’environnement mais aussi d’imaginer des actions concrètes pour l’environnement euro-méditerranéen. Ce fut, comme toujours avec Alex et ses équipes, un grand succès.
En 2004, à l’occasion des 25 ans du projet Nature-Environnement, c’est une messe, retransmise en direct sur France 2, dédiée à la mémoire de celles et ceux qui ont donné leur vie à la protection de la forêt, réunissant officiels, jeunes et acteurs de terrain, forestiers et pompiers.
Il arrêtera son engagement à l’issue de la saison 2007, les ennuis de santé commençant à pointer leur nez.
Enfin en 2009, le maire de Marseille lui remis la médaille de la ville.
En préparant cet hommage, j’ai pu discuter avec celles et ceux qui, comme moi, l’ont connu dans l’action. Et ce qui est frappant c’est la discrétion autour de nombre de fabuleux projets.
Qui sait qu’Alex a mené les chantiers du rassemblement des pionniers à Lourdes en 1985 en construisant l’amphithéâtre et la chapelle des jeunes ? Ou bien qu’il a contribué à l’ANAE, cette association tournée vers l’accueil du handicap, émanation des Scouts de France ? Ou encore qu’il a gagné avec ses jeunes un concours international de constructions à l’autre bout du monde ?
Je crois que si j’interrogeais chacun, des anecdotes et des prouesses se compteraient par dizaines.
Nous en retenons qu’Alex a toujours été fidèle à ses principes, dont ceux d’humilité et de discrétion. Simple serviteur comme il aimait à nous le rappeler.
Fidèle à ses principes, c’était aussi emmener les autres grâce à son charisme, les amener à se dépasser, avec lui.
Aimant et fidèle en amitié, ses proches savent à quel point sa générosité était grande.
Ne taisons pas non plus ses accès ponctuels de colère, sa manière très tranchée de mener les opérations, sa malice parfois, ses sourires, ses clins d’œil. C’était lui et n’était jamais au final bien méchant. C’était bien souvent l’expression de l’inquiétude que nous ne proposions pas aux jeunes toute la qualité éducative que nous leur devions ou que nous ne respections pas notre parole dans les missions qui nous incombaient.
Souvenons-nous de ses paroles :
A la question « Quel enrichissement pour les jeunes participants ?
Il répondait :
« Une réelle prise de conscience de la nécessité de préserver l'environnement. Le sentiment d'être des citoyens actifs et utiles. Plusieurs apprentissages, non seulement techniques ou écologiques mais "sociaux" : agir dans le monde avec des adultes et des professionnels, appartenir à une communauté, accueillir d'autres jeunes venant de l'étranger ou en difficulté d'insertion mettre en œuvre un projet et le faire aboutir, devenir responsable. [...] La protection de l'environnement, c'est un moyen éducatif. »
Acteur avant-gardiste de la préservation de l’environnement, Alex portait aussi un souci de répondre aux inégalités socio-économiques et de créer toujours plus de lien entre les jeunes, de contribuer à leur éducation de façon majeure, de leur permettre de devenir des citoyens actifs, utiles, heureux et artisans de paix. C’est tout le projet du scoutisme, proposé par le fondateur Baden-Powell, qu’Alex porta et réalisa tout au long de sa vie.
Des camps internationaux qui réunirent plus de 50000 jeunes depuis 1980 et qui se poursuivent tous les étés. Mais aussi des jeunes des quartiers, des jeunes de foyers, des migrants, des réfugiés, des sans-papiers, etc.
Tout cela n’a été possible que grâce à la mobilisation de sa famille et ses coéquipiers chez les Scouts de France à tous niveaux mais aussi à tout un quartier dans lequel nous sommes aujourd’hui, celui d’Endoume, dont les habitants ont accompagné les plus grandes réalisations d’Alex.
Au nom de l’association des Scouts et Guides de France, devant la formidable œuvre et l’héritage immense que tu nous laisses, Alex, nous ne pouvons que t’exprimer notre reconnaissance éternelle.
Repose en paix, Grand Frère.
Jean-Christophe Rambert, pour les Scouts et Guides de France, le 04/02/2023.