Michel Rigal - UN IMMENSE EFFORT SPIRITUEL Chefs n° 368, nov 1962, p 6

Le 07/02/2024

Dans Michel Rigal

Le 11 octobre 1962, s’est ouvert à Rome le Concile Vatican II. M. Rigal s’en fait l’écho en s’adressant aux chefs dans un éditorial particulièrement long et ambitieux consacré à la vie spirituelle personnelle.

A l’heure où le monde connait des mutations profondes et rapides par l’intelligence créative de l’homme, la vie spirituelle ne doit pas rester à la traîne. Un effort est nécessaire pour se forger une spiritualité adaptée à la modernité du monde.

M. Rigal traduit pour les chefs scouts l’enjeu du Concile Vatican II, aux orientations pastorales plus que doctrinales : adapter l’Eglise, les modes de compréhension et d’expression de la foi, au monde moderne.

M. Rigal développe trois pistes pour cet effort spirituel :

  • intensifier les relations personnelles au Dieu vivant (Parole de Dieu, sacrements, service des autres)
  • approfondissement dogmatique et théologique au sens large
  • entrer en dialogue avec l'événement Parole de Dieu

L’extrait propose la fin de cet éditorial, l’examen des deux dernières pistes et la conclusion.

[…] il est de notre devoir de nous tenir au courant, de nous enrichir par des lectures et de ne pas laisser s'élargir la distance entre notre culture profane et notre culture religieuse. Il nous faut sans répit méditer notre foi avec toute la richesse et l'étendue de l'ensemble de nos connaissances.

Le Pape Jean XXIII ouvrant le Concile a dit : « Dans le monde entier on attend une nette avancée dans le sens de la pénétration de la doctrine et de la formation des consciences, en correspondance plus parfaite avec la fidélité professée envers la doctrine authentique, celle-ci étant d'ailleurs étudiée et exposée suivant les méthodes de recherche et la présentation dont use la pensée moderne. Autre est la substance de la doctrine antique contenue dans le dépôt de la foi, autre la formulation dont on la revêt, en se réglant, pour les formes et les proportions, sur les besoins d'un magistère et d'un style surtout pastoral. »

III. - LANGAGE DES EVENEMENTS

Troisième grande direction : Bergson après Pascal dit quelque part dans Les Deux Sources de la Morale et de la Religion, que Dieu a les événements pour langage. Il ne s'agit pas là d'un quelconque providentialisme qui fait voir dans quelque minuscule incident le signe de la volonté de Dieu et de donner à tout ce qui advient le nom d'événement, il s'agit de ce tri que l'homme mystique et inspiré de l'Esprit Saint opère dans le donné et qui lui fait discerner la volonté de Dieu dans tel grand accent de la vie personnelle ou collective. Il s'agit de la volonté de s'en saisir, d'y adhérer et positivement d'en exploiter tous les fruits ; ce dialogue avec l'événement Parole de Dieu pour l'affronter, le dépasser, l'accueillir, c'est l'engagement. Toute vie de foi s'établit dans ce perpétuel va et vient de la contemplation à l'action, à l'action transformatrice de l'agi et de l'agissant1. Ce dialogue n'est certes pas facile et ce tact surnaturel ne vient qu'en l'exerçant. Dans cette direction le Rocher du Conseil, la Cour d'honneur, le chapitre routier peuvent être une excellente introduction qui sont essentiellement jugement chrétien sur l'événement.

En conclusion de ces quelques lignes destinées à éclairer le sens de notre effort commun et qui ne sont que des directions qui seront illustrée au cours de cette année par divers articles et fiches pédagogiques, je voudrais que vous sentiez combien la vie de foi, la vie spirituelle doit se joindre au tissu de notre vie de tous les jours au point de ne plus pouvoir s'en distinguer et que nous puissions dire un jour en vérité : « Ce n'est pas moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi2. »

1 : on reconnaît les intuitions et la pratique pastorale de l’Action Catholique auxquelles M. Rigal se réfère souvent.

2 : Citation de l’Epitre de Saint-Paul aux Galates, chapitre 2, verset 20. Rigal met les guillemets mais ne donne pas la référence exacte ; sans doute pense-t-il en confiance que ses lecteurs l’identifieront sans peine.